Emma poussa un soupir exaspéré. Pourquoi avec Regina et Gold la magie semblait-elle si aisée à contrôler, presque comme une seconde nature, alors qu’elle-même avait toutes les peines du monde à secouer une brindille ? N’était-elle pas censée être la Sauveuse, le fruit de l’amour véritable ? A quoi bon tous ces titres prétentieux si cela ne lui permettait même pas de contrôler ses pouvoirs ? Pour être tout à fait honnête, elle s’en serait bien passée. Elle n’avait jamais voulu être à être l’élue d’une quelconque prophétie ; cela ressemblait au postulat d’un mauvais roman fantastique. Et elle aurait préféré avoir une enfance normale, entourée de parents aimants, et que les contes de fées restent de simples récits pour enfants avant d’aller dormir. Mais on ne lui avait pas vraiment demandé son avis dans l’histoire : les dés avaient été jetés avant même sa naissance. Et puisqu’il fallait s’en accommoder, autant en tirer partie. Ce n’était pas vraiment qu’elle avait envie de devenir une Regina bis (dieu l’en préserve) et elle n’avait que peu d’intérêt pour la magie dont elle avait un peu trop éprouvé le revers toute sa vie durant, sans même le savoir. Il y avait un prix à payer, et ce prix était bien souvent élevé. Mais à présent qu’elle avait une famille, et la possibilité de la protéger, elle consentait à ce sacrifice, et à bien d’autres encore. Elle le faisait pour Henry, se répéta-t-elle pour la énième fois ce jour là en se concentrant sur une branche morte qu’elle tentait sans succès de faire léviter depuis déjà plusieurs heures. Elle s’était réfugiée dans la forêt où elle espérait non seulement être à l’abri des regards indiscrets, mais où également elle pourrait s’entraîner sans risquer de blesser quelqu’un, ou de tout casser autour d’elle. Hélas pour le moment, ce n’était pas un franc succès. Elle avait une fois réussi à mettre le feu à la branche (elle ignorait comment, mais avait s’était empressée de l’éteindre avant de faire brûler toute la forêt), et c’était malheureusement sa tentative la plus proche d’un quelconque succès pour le moment.

Elle savait que le problème venait d’elle ; c’était évident. Peut-être ne croyait-elle pas assez en elle ; c’était même plus que probable. Et elle avait encore du mal à croire en l’existence de la magie aussi, ce qui n’arrangeait certainement rien. Et puis, son esprit était toujours aussi occupé avec tout ce qui s’était produit en si peu de temps ; elle ne savait plus où donner de la tête et si la motivation était là, ses pensées, elles, lui échappaient sans arrêt. Elle savait qu’elle ne parviendrait à rien tant qu’elle n’aurait pas pu faire un peu le vide dans sa tête, mais c’était beaucoup en demander pour le moment. Cela ne signifierait cependant pas qu’elle abandonnerait ainsi ; elle ne pourrait pas toujours avoir le luxe d’attendre que les choses ses calment et qu’elle puisse ainsi s’isoler pour agir. Elle devait être capable de contrôler ses pouvoirs dans le feu de l’action. Se remémorant les conseils de Gold, elle prit une profonde inspiration, s’étira légèrement, puis se focalisa à nouveau sur la malheureuse branche qui se trouvait à ses pieds, quelques mètres devant elle. Pense à Henry. Elle fut tentée de fermer les yeux pour mieux y parvenir, mais c’était en vérité plutôt contreproductif : c’était sur la branche qu’elle devait concentrer ses pouvoirs.

Elle tendit d’instinct ses mains. Etait-ce réellement nécessaire ? Regina et Gold bougeaient souvent leurs mains lorsqu’ils lançaient un sort, mais cela faisait-il partie intégrante du contrôle de leurs pouvoirs, ou était-ce simplement leur goût poussé de la mise en scène ? Emma décida que cela n’avait pas d’importance si cela pouvait l’aider d’une façon ou d’une autre, et laissa donc ses mains tendues vers le bout de bois comme si elle tentait de s’en emparer malgré la distance, ce qui était en fait le but de la manœuvre. Dans Harry Potter au moins, ils avaient une baguette magique pour ça, et il leur suffisait d’apprendre la formule !

« Accio ! » murmura-t-elle dans un mélange de dépit et une tentative d’humour dont elle était le seul réceptacle.

De toute façon, et c’était aussi le charme de la chose, les habitants de Storybrooke n’auraient probablement pas compris la référence. Ils avaient ratés bon nombre de choses, à être enfermés dans cette ville pendant 28 ans. Allez, un peu de sérieux Emma, tu peux le faire. Redressant la tête, elle agita ses doigts puis se re-concentra sur la branche. Il y avait quelque chose, là, en elle, elle le sentait, c’était comme un fil ténu, si elle pouvait simplement s’en emparer, elle pourrait… oui ! Le bâton se mit à trembler puis lentement, péniblement, s’éleva du sol. Avec un sourire victorieux mais prudente afin de ne pas gâcher tous ses efforts, Emma tenta de le faire venir vers elle d’un petit mouvement de la main, quand un « crac » sonore se fit entendre non loin d’elle, la faisant sursauter. Dans la confusion, elle ne prêta pas attention à ce qu’elle faisait, et à peine eut-elle le temps de voir arriver quelqu’un, que la branche valsa dans sa direction comme si elle l’y avait lancée et heurta la personne de plein fouet.

« Oh, shit ! Pardon, je suis désolée ! » s’exclama-t-elle aussitôt avec effroi.

Elle s’approcha aussitôt du malheureux qui avait eu la mauvaise idée de venir se promener dans les bois en même temps qu’elle y pratiquait ses pouvoirs, mais ne parvint pas à entrevoir son visage, caché par la main qu’il avait portée à l’endroit où la branche l’avait frappé. Se penchant d’un air inquiet, elle ajouta :

« Tout va bien ? Je ne vous ai pas fait trop mal ? Vous devriez me laisser voir… »

Mais alors qu’elle affichait une mine soucieuse pour le pauvre homme, dans un coin de sa tête, une question qui la préoccupait tout autant lui occupait l’esprit : qu’avait-il eu le temps de voir, exactement ?

© Fiche de Hollow Bastion sur Bazzart

Aïe. Dans ce genre de cas, on pouvait rencontrer deux profils de personne : profil a) le genre qui allait s’excuser, passer l’éponge très vite et continuer son chemin, et profil b) le genre qui avait la rancune tenace et le faisait savoir. Et aujourd’hui, pas de chance, elle était clairement tombée sur un cas b. Ce qui ne la surprenait pas vraiment, considérant sa chance des derniers jours. Probable que si elle jouait au loto elle aurait trouvé le moyen de devoir de l’argent à l’huissier. Mais Emma Swan avait affronté des individus bien moins aimables encore, et plus dangereux aussi, ce n’étaient pas quelques démonstrations de mauvaise humeur qui allaient la faire fuir.

« Cassez-vous putain ! »

…d’accord, c’était peut-être un peu plus que de la mauvaise humeur, là. Peu impressionnée par cet élan de colère, Emma haussa un sourcil, prête elle aussi à passer de la Sauveuse soucieuse à la Shérif caractérielle en un tour de bras si cela s’avérait nécessaire. C’était peut-être de sa faute s’il se réveillerait avec un bleu le lendemain, mais ce n’était pas comme si elle l’avait fait exprès, et elle s’était excusée, après tout. Du bon côté des choses : elle n’était soudain plus si désolé pour lui. D’ailleurs, cette voix, en y repensant lui disait quelque chose, elle était certaine de l’avoir entendu quelque part, sans parvenir à la replacer. Ce ne fut que lorsqu’elle put enfin voir son visage qu’elle le reconnut. C’était lui, dans la mairie, celui qui avait presque agressé le pauvre homme à peine était-il entré. Leurs chemins s’étaient rapidement séparés après ça, mais elle ne risquait pas d’oublier cette scène. Si elle avait entendu son nom, elle était à présent incapable de s’en souvenir, mais de toute façon, elle avait probablement été trop préoccupée pour réellement se concentrer sur ce genre de choses sur le moment. Elle avait alors imaginé qu'il vouait un attachement aussi profond qu'inattendu envers Granny, ce qui aurait expliqué qu’il se mette dans de tels états, mais à présent, elle commençait à tout simplement soupçonner que c’était dans sa nature de ne pas être aimable.

En revanche, s’il y avait une bonne chose à retenir de sa réaction, c’était qu’elle ne trahissait rien pouvant la laisser penser qu’il l’avait vue s’entraîner sur le bout de bois. Son secret, pour le moment, restait préservé. Cela n’aurait peut-être pas changé grand-chose que cela se sache, mais… elle n’y tenait tout simplement pas. C’était déjà bien assez d’assumer le rôle de Sauveuse, par ailleurs lourd à porter, sans qu’en plus tous ne s’attendent à présent qu’elle résolve tous leurs problèmes d’un tour de magie. Elle en était bien incapable. Et puis, en tant venu, cela pourrait s’avérer un atout, d’avoir l’avantage de la surprise.

« Et bien, le plaisir est partagé », nota-t-elle avec dans la voix une pointe de sarcasme évidente.

Clairement peu décidée à exaucer sa demande – après tout, c’était un lieu public, il n’avait nullement le droit de la faire partir, et c’était sans mentionner que si l’un des deux étant ici en mesure de donner des ordres, ce n’était pas lui –, elle croisa les bras tandis qu’il reculait pour s’appuyer contre un arbre, l’air toujours aussi visiblement irrité.

« Si ça fait mal bordel ! C'est quoi ton problème ?! »

Il était passé du « vous » au « tu » en la reconnaissant, mais pas sûr que dans ce contexte cela trahissait une réelle progression dans leur échange, cependant. Leur brève entrevue à la mairie ne l’avait, semblait-il, pas amené à la porter dans son cœur. Mais elle était plus habituée à ça qu’à l’inverse, et il en fallait plus pour la faire perdre ses moyens. Des goujats, elle en avait rencontré plus d’un, et considérant son attraction tragique mais incontournable pour les bad boys (un historique amoureux qui commençait avec Neal et se finissait avec Hook en disait long sur la chose), elle n’avait pas toujours su les tenir à distance. Mais ils n’étaient jamais restés très longtemps. Ou plutôt, elle n’était jamais restée trop longtemps. Story of her life.

« Mon problème ? », répéta-t-elle d’un air incrédule, de moins en moins encline à se montrer patiente. Elle secoua la tête. « Vous savez quoi ? Je vais dire que nous sommes quittes et faire comme si de rien n’était, je n’ai vraiment pas envie de me prendre la tête, là. »

C’était plus qu’il n’en méritait, réellement : elle s’était excusée, et c’était tout à fait involontairement qu’elle l’avait blessé ; lui avait fait le choix d’être désagréable sciemment et n’en semblait pas le moins du monde désolé - elle avait donc le sentiment que des deux, elle n’était pas la plus en tort. Mais elle disait la vérité, et avait assez à se soucier pour ne pas se lancer dans une confrontation qu’elle pouvait éviter.
Soupirant, elle s’approcha en quelques pas souples de lui pour observer son front de plus près, mais eut assez de présence d’esprit pour ne pas le toucher se faisant – même si l’idée de littéralement devenir madame Crochet avait son charme, elle tenait encore à sa main.

« Vous avez des vertiges ? La nausée ? Je ne pense pas que vous aillez besoin de points de sutures, mais je peux vous conduire à l'hôpital, s'il le faut. »

Elle doutait que le coup eut été assez puissant pour avoir d'autres conséquences qu'une bosse et un bleu, mais ce n’était pas une petite branche, et elle ne connaissait pas vraiment ses limites en termes de magie, mieux valait donc être vigilant, en outre, et en dépit de son caractère irascible, c’était la moindre des choses qu’elle puisse faire pour lui, même si Emma avait comme dans l’idée qu’il ne se montrerait pas très coopératif...

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Plus elle y pensait et plus Emma se demandait quelles étaient réellement les chances pour que, dans cette vaste forêt où elle s’était isolée autant que possible, elle tombe sur quelqu’un, s’arrange pour lui jeter une branche à la figure et parvienne à s’attirer ses foudres se faisant. Et ce chiffre lui semblait infiniment petit – mais clairement pas assez pour sa chance qui était, semblait-il, inexistante, ou proche de l’être. Clairement, les propriétés de son berceau magique ne se limitaient pas au voyage entre les mondes. Ou alors elle payait déjà le prix de sa magie – si c’était le cas, elle préférait ne pas voir la suite et ranger ses pouvoirs au placard sur le champ.

Quels que furent ses problèmes à elle, quant à lui, il s’agissait clairement de difficultés à gérer son self-control et en particulier son agressivité. C’était quelque chose qu’Emma pouvait comprendre : elle n’était pas une tendre et avait plus de colère en elle qu’elle ne le laissait paraître. Mais justement, c’était la nuance. Il lui faudrait peut-être songer à prendre un rendez-vous avec Archie, ça ne pouvait lui faire que du bien. L’idée que dans cette ville, il fallut se coucher sur le canapé de Jiminy Cricket pour consulter l’amusait autant qu’elle la laissait incrédule. Mais incrédule semblait être devenu son mode par défaut depuis quelques temps. Et il y avait de quoi.

Son interlocuteur, lui, ne décolérait pas.  Elle n’osait pas penser à sa réaction si elle l’avait réellement frappé intentionnellement, et tout en même temps commençait à regretter que ce ne fut guère le cas.

« Quittes ?! Vous m'avez mis une branche dans la tronche ! On sera quittes lorsque j'en aurais fait de même ! Non pas... que ce soit dans mes intentions. »

Le rattrapage, bien que maladroit, ne fut pas de trop ; Emma étant déjà prête à sortir les menottes et à les lui passer aux poignets pour voir s’il affichait la même impétuosité lorsqu’on lui retirait sa liberté. Sa jauge de patience avait été largement épuisée par les dernières journées, et quand on la cherchait, on la trouvait. Pour ne rien arranger, elle avait eu assez affaire à ce genre de fortes têtes pour savoir qu’il n’y avait parfois pas quinze façons de s’y prendre avec eux.

« Je vais bien ! »

Ayant attendu cette réaction, Emma leva les yeux au ciel. Elle n’avait même pas besoin de le regarder pour savoir qu’il mentait. Les hommes. Soit ils avaient un incurable besoin d’affirmer leur virilité, soit ils avaient une tolérance à la souffrance largement supérieure à celle des femmes, mais si elle avait reçu un cent à chaque fois qu’elle avait entendu un « je vais bien » de la bouche de quelqu’un qui clairement n’allait pas bien, elle aurait pu construire un château d’or à Anton. Sous sa forme géante.

« Un jour je rencontrerai quelqu’un de coopératif qui ne s’efforcera pas de me compliquer la vie inutilement », maugréa-t-elle pour elle-même en ignorant ses protestations.

« Vous êtes qui en fait ? Une infirmière ? Un bandit ? Une... je sais pas quoi ? »

Quelqu’un qui ne la connaissait pas. Ni en tant que shérif (il n’avait pas dû être très concerné par l’élection), ni en tant que Sauveuse, ni rien. Dieu que c’était rafraichissant. Son sentiment d’anonymat avait depuis longtemps disparu à Storybrooke. Pour quelqu’un habitué à se cacher de tous, tout le temps, ça n’avait rien d’une partie de plaisir, et elle savoura cet instant pendant les quelques secondes qu'il dura avant de dégager les pan de sa veste juste assez pour révéler le badge accroché à sa ceinture. Elle avait cessé de le porter pendant un temps après son retour de Fairytales Land, mais avec le nombre de fois où elle avait été rappelée à son rôle dans la ville durant ces derniers jours, le réflexe était rapidement revenu. Il fallait bien quelqu’un pour maintenir une illusion d’ordre dans la ville. Comme souvent, une ombre passa subrepticement dans son regard lorsqu’elle baissa les yeux vers l’étoile brillante qui ornait sa ceinture, mais elle redressa la tête rapidement, faisant mine de rien.

« Shérif Swan », répondit-elle aussi calmement que possible. « Si je vous demande votre identité à mon tour, j’ai plus de chances d’avoir une réponse honnête qu’à ma précédente question, ou bien vous allez m’envoyer balader ? »

Le sourire haussé, l’air mi-amusé, mi-exaspéré, elle le chercha quelques secondes du regard avant de reporter son attention sur la bosse qui prenait forme, se demandant si elle était capable de la faire disparaître de la même façon qu’elle l’avait fait apparaître. Bien entendu, et même si l’idée aurait pu être tentante, hors de question de se servir de lui comme cobaye : dieu seul savait ce qu’il pouvait en résulter…

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La suspicion sur ses traits en voyant le badge ne fut pas vraiment une surprise, même si cela la fit grimacer quelque peu, agacée par le stéréotype qui voulait qu’une jeune femme pas trop désagréable à regarder ne put assumer un rôle d’autorité aussi bien, sinon mieux, qu’un homme. Car en effet, il fallait l’admettre ; elle n’avait pas vraiment le profil de l’emploi. Le parfait cliché du shérif américain voulait qu’elle fut de sexe masculin, au moins quadragénaire, avec un chapeau de cow-boy, une bouteille de bière à la main et des santiags aux pieds ; autrement dit, pas vraiment son profil. Mais ça n’avait pas été celui de Graham non plus, après tout. En revanche, et contrairement à lui, ce qui n’arrangeait rien, c’était qu’elle ne portait pas le costume pourtant si seyant qui allait avec le badge ; peut-être aurait-elle alors été plus crédible, mais elle avait comme dans l’idée qu’avec un individu comme celui qui lui faisait face, ça n’aurait pas fait grande différence. En ce qui la concernait, elle n’avait rien à prouver, il pouvait la croire ou non, c’était du pareil au même.
Elle fut cependant tentée de lui rappeler que c’étaient ses concitoyens qui l’avaient élus (certes, grâce à une machination de Gold, mais dont les résultats restaient parfaitement valides ; il l’avait, sans qu’elle le sache, mis dans une situation qui la forcerait à sauver Regina et à passer pour une héroïne aux yeux de tous, mais il ne les avait pas payés pour voter pour elle plutôt que pour Sydney), mais à bien y réfléchir, il y avait de fortes chances pour qu’il se fiche tout aussi royalement d’une notion telle que le devoir de citoyen, et préféra donc se taire.

« Chef Dwell », se présenta-t-il à son tour.

Chef ? Un cuisinier, donc. Cela pouvait expliquer bien des choses (outre le panier de champignons), et notamment son attachement apparent à Granny ; depuis le temps qu’elle était à Storybrooke elle n’avait encore jamais vu à quoi ressemblait celui qui leur cuisinait tous ces bons petits plats  - dans un sens, c’était normal, un cuisinier n’était pas forcément supposé entrer en contact avec les clients, mais cela faisait encore plus sens à présent qu’elle découvrait quel genre de personnalité c’était. La partie sociabilité, il avait dû la laisser à Ruby. Et un mystère de plus de résolu ; si seulement cela pouvait être toujours aussi facile... Ce qui était amusant, c’était qu’avec le nombre de fois où elle avait pu savourer un fondant au chocolat en bénissant celui qui les avait cuisinés, on aurait pu croire qu’en le rencontrant elle serait tentée de se jeter à ses pieds, mais les circonstances de leur rencontre l’en dissuadaient à présent. Une autre fois, peut-être. Mieux valait en tout cas surveiller ses paroles, elle ne savait pas ce qu’elle pourrait trouver dans son prochain fondant s’il la prenait vraiment en grippe (en espérant bien sûr que ce ne fut pas déjà le cas).

« La chasse est bonne dans les bois, Shérif ? »

Malgré le ton évidemment moqueur, la jeune femme se troubla brièvement en resongeant à la raison de sa propre présence ici. Elle avait été quelque peu irresponsable de s’entraîner là où tout le monde pouvait la trouver, même si le but avait été au contraire de s’isoler et d’avoir suffisamment de place pour pratiquer ses pouvoirs et limiter les dégâts. Bien joué, Emma. Elle y songerait à deux fois avant de recommencer. Ce n’était peut-être pas un secret d’état, mais si elle voulait le garder pour elle encore un peu, il lui faudrait être plus prudente.
Elle se recomposa rapidement tout en cherchant une explication plausible à une question qui n’était que rhétorique et n’attendait probablement pas de réponse, mais heureusement, il ne lui laissa pas le temps de réagir et reprit :

« Dois-je prendre cela comme une tentative d'arrestation ? »

Emma écarquilla légèrement les yeux, complètement prise au dépourvu, autant par la question que le doute soudain dans la voix du cuisinier.

« Une tentat… non ! Bien sûr que non ! »

Elle secoua aussitôt la tête, les sourcils froncés à l’idée qu’il eut pu même le songer : dans quel monde arrêtait-on les gens en leur donnant des coups de branche dans la figure, franchement ? Peut-être à Fairytales Land, mais certainement pas ici. Elle écarta légèrement les mains, mettant en évidence le fait qu’elles étaient vides, pour montrer qu’elle n’était pas là pour l’arrêter ou quoique ce soit d’autre.

« Croyez-le ou non, ce n’était vraiment pas intentionnel de ma part. Vous étiez juste au mauvais endroit au mauvais moment. » Elle haussa les épaules comme pour dire que c’étaient des choses qui arrivaient, puis une idée sembla lui traverser l’esprit et elle le dévisagea un peu plus intensément : « …Pourquoi, vous avez quelque chose à vous reprocher ? »

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Emma ne sut pas vraiment si elle devait prendre le cuisinier en pitié (ce qu’il n’aurait sûrement pas apprécié) ou au contraire en grippe (ce qui le laisserait probablement indifférent). Le fait qu’il eut tant de mal à croire que le coup de branche avait été accidentel lui laissait penser que ce n’était pas là sa première altercation et qu’elles n’avaient pas toujours été de nature involontaires de la part des autres. Ce qui en soit, la faisait pencher pour la première solution. Mais son comportement et son attitude suggéraient, eux, qu’il l’avait peut-être bien cherché parfois. L’un dans l’autre, elle n’avait rien contre lui. Elle avait aussi un fort caractère et ne s’était pas toujours attiré que des amis non plus, mais si elle pouvait comprendre son côté misanthrope, ça n’excusait pas vraiment son comportement. Dans tous les cas, cela ne la concernait pas : tant qu’il ne secouait pas d’autres habitants de la ville comme des pruniers pour leur soustraire des informations, il était libre d’agir comme il l’entendait, on n’arrêtait pas les gens pour mauvais caractère (soyons honnêtes ; elle se serait sûrement retrouvée plus souvent en prison elle aussi sinon). Quant à elle, elle savait se défendre.

« Et bien je pensais que ça concernait le... Oh. Vous m'avez presque eu. »

Le ? Emma le regarda d’un air confus, tentant de comprendre de quoi il parlait. Faisait-il référence à l’altercation dont elle avait été témoin, à la mairie ? Non, ça ne pouvait pas être ça, il devait s’en douter. Baissant le regard sur le panier de champignons, le visage de la blonde s’éclaira. Il craignait pour sa cueillette ? Elle eut soudain envie de rire, mais se retint afin de ne pas accentuer son mécontentement ; inutile de lui donner des raisons de plus de la prendre en grippe. Mais pour être honnête, le voir s’inquiéter pour ça alors qu’ils avaient en ville au moins trois personnes dotées d’intentions fondamentalement meurtrières et devaient faire face à disparitions et autres réjouissances du genre, c’était en quelque sorte rafraichissant. Elle avait bien d’autres priorités qui passaient avant la surveillance de la cueillette de champignons, d’autant que la forêt de Storybrooke n’était de toute façon pas un domaine privé. Un sourire joua sur ses lèvres malgré l’expression assassine de son interlocuteur.

« Si je dois vous arrêter, Chef Dwell, je le ferais en bonne et due forme, pas en vous attaquant avec une branche, sachez-le. »

Ce n'était peut-être pas une pensée très réconfortante, mais il fallait au moins qu’elle lui fasse savoir qu’être représentant de l’ordre ne signifiait pas avoir tous les droits, et certainement pas être libre d’actes barbares de ce genre dans le seul but d’arrêter les gens. Il ne devait probablement pas regarder beaucoup de séries policières. Ou trop, au contraire.

Elle haussa un sourcil surpris lorsqu’il ramassa la dite branche, se demandant s’il avait décidé après tout qu’il préférait lui rendre la pareille afin qu’ils soient quittes, mais il la lui tendit simplement, et elle la prit d’un mouvement hésitant, sans comprendre.

« Tenez, on ne sait jamais. Il pourrait vraiment y avoir un Grand Méchant Loup rôdant dans cette forêt. »

Evidemment. Il ne partirait pas sans un dernier sarcasme bien senti, ce n’était clairement pas son genre. Jouant distraitement avec la branche sur laquelle elle s’était acharnée (vainement, pour la majorité de ses tentatives) une bonne partie de l’après-midi et dont le bout calciné témoignait encore des résultats un peu plus catastrophiques de ses essais, elle esquissa un sourire amer. A ce stade, elle aurait préféré affronter le Grand Méchant Loup ; elle était certaine qu’il ne pouvait pas lui apporter autant d’ennuis et représenter pour elle, sa famille ou Storybrooke, un danger plus grand que Cora ou Regina. Relevant les yeux vers le cuisinier, elle rétorqua d’un air blasé, le sarcasme bien présent également :

« Je suis sûre que Ruby a d’autres préoccupations pour le moment. Mais merci de l’attention. »

Une tentative d’humour qui n’était certainement pas très drôle, considérant les récents évènements. Mais pour Emma qui avait encore bien du mal à se faire à l’idée que les personnages de conte avec lesquels elle avait grandi étaient bel et bien réels, c’était un exutoire comme un autre. Et puis, elle n’inventait rien. Elle ne s’était pas vraiment représentée le Grand Méchant Loup sous les traits d’une jeune brunette lorsqu’elle avait lu le Chaperon Rouge pour la première fois, mais avait eu le temps de comprendre que les récits qu’elle connaissait et la vérité étaient deux mondes à part.

Comprenant dans ses paroles et son attitude qu’il cherchait au plus vite à séparer leurs chemins, elle rejeta la branche au loin en prenant soin de ne pas l’envoyer dans sa direction.

« Encore désolée pour le coup, fit-elle avec sincérité. Si vous avez besoin de quoique ce soit, vous savez maintenant où me trouver. »

© Fiche de Hollow Bastion sur Bazzart