Qu'est-ce que je te sers ? ► Jefferson

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Qu'est-ce que je te sers ?

« Ne mélangeons pas travail et plaisir... »

Nuit tranquille. Ou du moins aussi tranquille que peut être un bar avec tous les trous à alcools de la ville plus les quelques autres clients occasionnels. Réglé comme une machine bien huilé, Matthys sert, parlotte, remplit, sourit, nettoie, encaisse. Même si la malédiction a été brisée, il n'a pas quitté ce lieu qui l'emprisonne pourtant. Mais où aller ? Ça n'était pas comme s'il pouvait reprendre ses activités de haut vol. Il ne pouvait pas quitter la ville et pour ce qu'il pouvait trouver à Storybrooke, ça n'était que du loisir.
Et puis il aimait bien être barman mine de rien. L'ambiance était bonne et le sentiment de stabilité que lui offrait cette place ne lui déplaisait pas. Il se sentait en charge et puissant derrière son bar. Ils les connaissaient tous et tous lui faisaient confiance et lui confiaient parfois des secrets alcoolisés. Il pouvait glisser du cyanure dans n'importe quel verre sans que personne ne songe deux fois avant d'engloutir ce qu'il servait. Non pas qu'il ait cette envie.

Dans ce coin là, la bande de nains bruyants et braillards, de très bons clients. Là de jolies demoiselles venues remuer leur popotin contre le billard, accompagnés par leurs lourdeaux de copains. Dans ce coin ci, Marco, plus silencieux, songeur. Et ici, une épave dont tout le monde a oublié le nom. Tous, apprécient l'ambiance chaleureuse du Rabbit's Hole. Ici, dans leur trou, chacun trouve sa tranquillité. Et celle de Matthys, il la trouve parmi ses bouteilles et ses clients.
La porte s'ouvre mais cette nouvelle personne ne colle pas au schéma et un nerf du visage du barman se tend. Pourquoi ? Parce que ce junkie amateur de thé n'est certainement pas un client du bar. Par réflexe et professionnalisme, Matthys accueille le nouveau venu d'un sourire, un peu crispé. Il aurait préféré le chasser bien vite à grands coups de pieds avant que quiconque ne posent leur regard sur sa tête de fou, mais le but premier était de se faire discret.

D'un signe de tête, il invita l'homme à prendre place au bar où il n'y avait heureusement personne à part l'épave. Jetant un coup d’œil furtif à la salle, le barman vérifia que personne n'avait remarqué comme lui que le buveur de tisane faisait un peu tâche dans le décor. Mais personne ne sembla avoir remarqué et après tout, Matthys se trompait peut-être. Jefferson était peut-être intelligent et sain d'esprit pour comprendre que venir voir son dealer sur son lieu de travail où toute la ville était cliente, était une très mauvaise idée.

- Eh bien en voilà un client inhabituel. Alors, qu'est-ce que je te sers ? plaisanta Matthys en prenant tout de même soin de ne pas trop élever la voix. Appuyant ses mots d'un regard quelque peu incendier et un sourire cynique, il fit comprendre à son "client" que si celui-ci n'était pas là pour l'alcool, ça n'allait pas très bien se passer.

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Juste une limonade ?

L’homme avança une main tremblante à l’entrée de l’établissement. Entrer ? Ne pas entrer ? Le Chapelier en était là de ses réflexions lorsqu’il trancha finalement. Entrer. Aller droit au comptoir. S’asseoir et supplier le barman de lui filer une avance. Les derniers jours avaient été particulièrement éprouvants pour lui. Le tremblement de terre. Sa fille en danger. Swan qui le surveillait de près. Son ennemie jurée qui débarquait en ville avec l’autre pirate dégénéré qui avait manqué de le réduire en charpies. D’un autre côté, tout un tas de responsabilités reposaient désormais sur sa tête branlante. Le Passeur avait commencé son offensive. Wonderland prendrait également part au conflit en temps voulu. Mais pour l’heure, il était entièrement vidé. Entre ? Ne pas entrer ?

Jefferson poussa finalement la porte du Rabbit Hole qui se referma aussitôt derrière lui. Pris au piège, au fond du terrier. Il y faisait drôlement chaud. La chaleur humaine sans doute. Les vapeurs d’alcool aussi ! Le Chapelier, bien qu’un brin toqué, ne se sentait nullement dans son élément. Entre. Sortir ? Ne pas sortir ? S’enfuir alors ? Non. Le jeune homme résigné avança d’un pas pour recevoir la lumière tamisée du lieu en pleine figure ; figure qui avait définitivement perdu toute couleur. À l’inverse le barman était comme un poisson dans l’eau. Celui-ci trônait fièrement au milieu de ses bouteilles aux breuvages colorés, exotiques et malheureusement sans doute tous alcoolisés. Lorsqu’il s’était propulsé à Storybrooke, le Chapelier s’était retrouvé confronté à ce genre d’établissements. Des bars poussés par-ci, par-là, comme des champignons. Mais il ne tenait pas l’alcool qui le faisait plonger dans un état d’hilarité et de stupidité très brève avant de le dépiter totalement. Déjà profondément mélancolique et nostalgique du temps passé, il ne pouvait supporter ce nouvel élan de tristesse envahir son corps tout entier.

Le barman le sortit de sa rêverie. Il venait de le remarquer et, d’un hochement de la tête que Jefferson ne pouvait ignorer, l’invita expressément à le rejoindre au comptoir. Était-il fâché que le Chapelier se fût directement déplacé. Il avait effectivement un accord. Jamais au bar. Jamais. Mais le manque était plus fort que la raison et avait conduit ses pieds jusque ce trou, ses fesses jusque sur ce tabouret de cuir noir. L’homme qui gérait le débit de boisson planta ses yeux clairs dans les siens tout en lui demandant ce qu’il désirait consommer. Parlait-il seulement de boisson ? Sous ses airs voulus joviaux, l’homme ne semblait pas vraiment ravi de le croiser ici et semblait bien souligner dans chacun de ses mots qu’il ne comptait pas lui servir autre chose que ce que l’établissement l’autorisait à mettre en vente. Le Chapelier, penaud, baissa la tête avant de répondre lentement, en cachant sa main tremblante dans la poche de son élégante veste, inappropriée à l’endroit :

« Une… Une Li… Limonade, s’il te plaît, Matthys. »

Était-il seulement crédible dans ce genre de lieu, lui, l’homme qui vivait seul dans une immense demeure bourgeoise dont les yeux rougis, le teint pâle et les mains tremblantes ne traduisaient qu’un manque… de drogue ?

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Qu'est-ce que je te sers ?

« Ne mélangeons pas travail et plaisir... »

Matthys eu une légère grimace lorsqu'il entendit son prénom. Comme s'il avait besoin qu'on sache qu'ils se connaissaient tout particulièrement. Il eu ensuite petit rire dépourvu d'amusement alors que Jefferson lui demandait une misérable limonade d'une voix chevrotante.

- Trop mignon. se moqua-t-il d'un ton acide.

Sans quitter la tête de déterré du regard pour remplir un verre de limonade et de glaçons, Matthys se demanda ce qu'il pouvait bien faire de lui. Il jouait le jeu, c'était déjà ça. Mais était-ce mieux de l'avoir assit ici à siroter son verre d'eau avec son air on ne peu plus en manque, ou d'avoir clairement une raison de le jeter dehors ? Des junkies et des soiffards. Décidément Matthys choisissait bizarrement ses fréquentations.
Il déposa le verre devant son client, non sans animosité dans le geste. Il y laissa ensuite tomber un quartier de citron, faisant un peu gicler la boisson. Il n'avait qu'à pas se ramener au bar.

- T'as une sale gueule, papy. J'pense pas que ça soit ton truc le bar.

Commenta-t-il avec insistance même si Jefferson devait très bien comprendre qu'il n'était pas le bienvenu ici. Mais l'idiot n'avait apparemment que faire des consignes du barman. Pas au bar, jamais au bar, c'était pourtant pas compliqué. Il faut croire que rien ne retient un junkie en manque. Matthys s'en voulu d'avoir bêtement cru qu'il aurait pu faire entendre raison à un gars comme Jefferson. Même clean comme de l'eau de roche, celui-là avait un boulon en moins dans la caboche.

- Si j'ouvre un salon de thé demain, je te ferais signe ok ? .

Le barman tenta d'être aussi subtile et insistant que lui permettait la situation et l'état de ses nerfs. Un junkie dans son bar, son junkie, qui en plus commande de la limonade ? Pour parfaire le tout, Matthys remarqua que certains jetaient des coups d’œil curieux vers son client. Ça n'était pas seulement sa tête ou le fait qu'on ne le voyait pas beaucoup au bar, on ne voyait pas souvent Jefferson tout court. Et il fallait qu'on le voit ici, au bar.

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Juste une limonade ?

Le dénommé Matthys se permit une petite raillerie sans aucune sympathie que Jefferson ne releva pas. Son fournisseur était déjà en colère, inutile dans rajouter en protestant dans SON bar, lieu qui lui était naturellement interdit. Le barman saisit un verre et, d’un geste machinal, glacial, le rempli de limonade. Il ajouta un zest de citron, attention qui aurait pu faire plaisir si elle n’avait pas été accompli avec autant de froideur. Un client traditionnel n’aurait pas été traité, mais le Chapelier se contentait de faire profil bas pour ne pas apporter d’ennuis inutiles. Enfin, Matthys posa sans soin la boisson devant l’homme qui reçut quelques gouttes du breuvage sur sa manche.

« T’as une sale gueule, papy. J’pense pas que ça soit ton truc le bar. »

Nouvelle pique. Jefferson l’endura sans broncher. Visiblement l’homme semblait de mauvais poil. Certes, il était venu dans une intention autre que siroter un cocktail, mais il savait se tenir. Il se comportait même comme un client. Il venait de prendre une consommation, sans conviction, comme le ferait une personne ayant un besoin pressant afin d’utiliser les toilettes de l’établissement. Il avait fait l’effort… Le Chapelier s’empara de son verre et en but quelques gorgées tout doucement, histoire de faire durer plus longtemps le contact des bulles sur son palais.

« Si j’ouvre un salon de thé demain, je te ferais signe ok ?

- Écoute Matthys… Je ne suis pas là pour te faire d’ennui. Ça t’emmerde visiblement que je sois là. Je comprends très bien. Mais… »

Jefferson fronça les sourcils tout en retournant son verre dans tous les sens au creux de sa main. Il le fit passer de sa paume gauche à sa droite et ainsi de suite. Activité qui lui occupait l’esprit et en tout cas l’empêchait de se laisser aller à une énième saute d’humeur qui lui valait d’être très peu apprécier des habitants de la vile. Était-ce là la goutte d’eau qui avait fait déborder le vase ?

« Mais tu pourrais faire un effort d’amabilité. »

Finalement, l’homme avait pris sur lui pour ne pas calomnier son dealer. Du bon sens que la nécessité lui dictait. Mais son regard fatigué se planta dans celui de Matthys pour souligner le poids de ses propos tandis qu’il continuait de jouer avec son verre, éclaboussant légèrement le comptoir, de la même façon que l’avait fait le barman quelques minutes auparavant.

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Qu'est-ce que je te sers ?

« Ne mélangeons pas travail et plaisir... »

Jefferson essuya toutes les remarques venimeuses de son dealer sans plus de réaction. Tranquillement, il bu sa boisson et ne répondit pas à la provocation. Matthys ne su si cela lui plaisait ou l'agaçait. Son client se tenait, très bien pour quelqu'un dans son état d'ailleurs, mais alors pourquoi était-il là ? S'il n'était pas assez en manque pour exploser devant tout le monde, pourquoi n'avait-il pas simplement attendu ? Le barman se mordit la lèvre. Il ne comprenait pas et cela s'ajoutait à la liste des choses qui faisait de cette soirée une mauvaise soirée.

Il fixa l'homme sans parvenir à trouver autre chose que les signes flagrants de la fatigue et du manque dans ses yeux bleus. Peut-être se trompait-il alors ? Peut-être que le Chapelier n'était pas là pour briser la seule consigne de leur business mais pour apprécier une petite limonade ? Matthys tenta de goûter à ce doux espoir sans parvenir à vraiment croire.

- Pleure-moi une rivière. coupa-t-il un peu sèchement alors que Jefferson constatait la mauvaise humeur évidente de son hôte.

Mais face à l'air complètement plat et mort avec lequel Jefferson s'obstinait à lui faire face, Mathys ravala un peu sa colère. A être aussi remonté, il était finalement celui qui allait plus attirer les regards. Il grimaça un peu en voyant la limonade s'éparpiller un peu plus sur le comptoir mais soupira en passant un coup vif de chiffon sous les mains de Jefferson.

- Okay. Aimable. Ça devrait pouvoir se faire. Dit-moi seulement que tu n'es pas venu pour la seule raison qui pourrait me mettre en colère. souffla-t-il entre ses dents pour être sûr qu'absolument personne ne pouvait l'entendre à part son cher client.

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Juste une limonade ?

Matthys s’était quelque peu apaisé, du moins il donnait l’air d’être plus à même d’entretenir une conversation plus cordiale avec son client. Client officiel, pour la consommation d’une limonade bon marché ; client officieux pour l’ingestion d’un tout autre genre de produit. Jefferson n’en voulait pas à son fournisseur de se montrer aussi sec. Tout le monde pouvait être mal luné après tout, même un commerçant, bien qu’on recommandait à ces professions de le cacher pour ne pas faire fuir la clientèle. Mais, le Chapelier savait très exactement que sa présence en ces lieux n’était nullement souhaitée : il avait rompu un contrat sacré qui permettait la bonne pérennité du business. Mais, malgré tout, il n’en espérait pas moins un minimum de considération de sa part. Il avait cessé de jouer avec son verre, non pas par compassion envers le barman obligé de passer la serpillère après lui, mais par crainte de faire tomber le verre sur le sol et le voir se briser en mille morceaux. On ne pouvait pas mieux faire dans le genre discret. Or, sa main droite s’était justement remise à trembler, amaigrissant par la même occasion sa dextérité initiale et ses chances de rattraper le verre. Le citron s’était déjà écrasé mollement sur le sol pour y déposer un timide baisé acide…

Le barman sans même avoir à se pencher vers le Chapelier souffla entre ses dents quelques mots. Il espérait que celui-ci ne soit pas venu pour « la seule raison qui pourrait le mettre en colère » ? Il n’allait pas être déçu. Sa colère non plus… Jefferson trépigna un peu sur son siège, ne sachant comme aborder le sujet, prendre le taureau par les cornes comme qui dirait. Dire la vérité et se faire jeter dehors ? Mentir et endurer un martyr avant d’être enfin fourni ; ce qui résumerait d’ailleurs à s’être déplacé pour rien… Décidément, sa vie entière semblait ne reposer que sur une balance où on l’y demandait sans cesse de choisir une voie plutôt qu’une autre. Jusqu’au jour où ses tréteaux sombreraient tous deux dans l’abyme. Il n’y avait pas de chemin plus vertueux. Tous les chemins l’amèneraient toujours au même point. Point de non retour. Point de l’origine. Point de la fin. Enfin, ces raisonnements, Matthys s’en fichait sûrement, préférant à n’en point douter, le parfum de l’argent à l’odeur de détresse d’un esprit égaré.

« Je suis désolé… » murmura-t-il, se préparant à endurer les foudres du barman.

Il était bien douloureux de se l’avouer, il était bel et bien en manque et ne pouvait attendre plus longtemps sa dose. Il était pleinement en tort. Il avait, en effet, voulu jouer les plus forts qu’il n’était réellement en refusant de se réapprovisionner, rester clean quelques jours, puis pour toujours. Devenir un meilleur père et récupérer sa fille. Mais… Il n’avait su tenir ce cap. Le premier jour fut difficile mais supportable. Le deuxième insoutenable. Le troisième une torture. Et il se retrouvait le soir de celui-ci, nauséeux à supplier du regard celui qui pourrait le sauver.

« J’ai essayé. Vraiment. »

Oui, il avait essayé. Vraiment. Il avait joué, et il avait perdu.

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« Ne mélangeons pas travail et plaisir... »

Le barman eu un petit rire amer face à la tête de chien battu perdu sous la pluie de Jefferson. Bien évidemment qu'il était là pour sa dose. Quoi d'autre ? Avait-il vraiment pensé que le junkie était venu pour l'ambiance, la boisson ou la belle colère de son barman ? Bien sûr que non.

Matthys cru d'abord qu'il allait exploser mais tout ce qu'il pu faire fut rire, puis soupirer en se passant une main sur le visage. Comme c'était pathétique. S'énerver était de toute manière la meilleure façon d'attirer l'attention, étant connu pour être un hôte chaleureux et souriant. Normalement.

- Oh mais je sais. coupa-t-il alors que le drogué essayait vainement et maladroitement de se justifier. Il avait tenté d'ajouter un peu de douceur et de compassion dans sa voix mais échoua. Dans d'autres circonstances, il aurait prit son pauvre client en pitié et aurait abrégé ses souffrances, mais ça n'était pas pour aucune raison qu'ils avaient une règle.

- Comme il est clair que tu as échoué, c'est à mon tour d"essayer, vraiment" et mon cher Jefferson je suis plutôt endurant.

Plus il voyait sa tête de junkie en manque suppliant, plus Matthys avait du mal à contrôler sa frustration. Il parvenait toujours a garder un sourire sur ses lèvres mais il n'était pas difficile de deviner la colère noire qui brillait dans ses yeux. Comment sortir de cette situation ?
Le barman fut obliger de trouver rapidement une solution car il capta le regard d'une des demoiselles au billard. Celle-ci tirait une tête de "je veux commander à boire mais j'ai remarqué que vous êtes occupé", ce qui ne lui plaisait pas du tout.

- Bon, d'accord ! D'accord, je te montre ça. dit-il alors d'une voix assez forte à Jefferson, bien que le public visé était plutôt le reste des clients. Il sortit de derrière le bar et lui donna une tape amicale sur l'épaule pour lui faire signe de se lever et le suivre.

- Hey Marco ! Tu pourrais... Servir ce qu'elle veut à la jolie demoiselle là-bas ? Et rempli ton verre aussi, ça sera pas long.

Agrémentant sa demande d'un petit clin d’œil, il eu l'immense soulagement de voir Marco acquiescer et se diriger vers le bar. Marco était du genre discret, réglo et aussi peu curieux, tout ce dont Matthys avait besoin pour lui offrir quelques minutes discrètes avec son petit camarade.

- Je te montre mais tu reste discret, hein ? Je servirais pas ce cocktail avant la semaine prochaine... dit-il alors qu'il poussait Jefferson vers la remise. Bien sûr, le barman s'assura que la demoiselle en route vers le bar pour prendre son verre les entende bien. Juste au cas où.

Dès que la porte de la remise fut fermée derrière eux cependant, Matthys tomba vite le masque et poussa brusquement Jefferson contre un mur, le fusillant du regard.

- Quelle partie de "Pas au bar" t'échappe ? Bordel ça te viens pas à l'esprit que si j'ai des ennuis, t'auras plus personne chez qui pleurer ! A quoi est-ce que tu t'attendais ?! Que t'allais te ramener avec tes cernes de trois mètres de long et ton regard larmoyant et que j'allais te dire "Bien sûr mon petit Jefferson ! Un peu de coke avec la limonade ? Une putain de limonade Jeff !

Il souffla, défoulé de toute sa frustration et se posa contre une étagère. Il y avait Matthys le gentil barman, Matthys l'amant secret, Matthys le voleur récemment à la botte de Gold et Matthys le dealer, et il faisait tout pour faire en sorte qu'aucune de ces facettes de se mélangent. Il appréciait bien Jefferson car c'était l'un de ses meilleurs clients, mais il faisait partie d'une partie tout particulière de sa vie. Au bar, il n'était pas le bienvenu.

- Va falloir que j'me dégote un nouveau cocktail maintenant.

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Juste une limonade ?

Jefferson baissa le regard. La seule chose qui pourrait mettre son fournisseur en colère... il l'avait faite. Mélanger le commerce du débit de boissons et celui en dehors du bar. Le tavernier en semblait vraiment furieux, même si à première vue il ne laissait rien paraître. Les signes ne trompaient toutefois pas. Matthys, derrière son visage jovial, son sourire vomissant d'hypocrisie commerçante, fulminait. Ses yeux surveillaient furtivement la salle, par peur d'être repérés, mais s'arrêtaient suffisamment sur le Chapelier pour le foudroyer du regard et bien lui faire comprendre qu'il n'aurait jamais dû faire ça. La veine de sa nuque tendait à ressortir légèrement sous le poids de sa colère maquillée. Dans un sens, le retrouver à son travail éviter de subir une explosion de haine en public. Mais l'orage grondait à n'en point douter et le Chapelier avait jugé préférable de ne pas trop la ramener.

Soudain le barman, qui continuait de guetter le moindre mouvement autour d'eux écarta les lèvres et se mit à hausser le ton en invitant son invité, ou plutôt faudrait-il dire son intrus, à le rejoindre derrière le comptoir. Bien évidemment tous les regards de l'assemblée se portèrent sur eux ce qui mit Jefferson plus que mal à l'aise. Il avait pour habitude de rester discret, tapit chez lui, loin d'une foule de gens qu'il répugnait à côtoyer. Matthys demanda même à quelqu'un, un certain Marco de garder le comptoir tout en s'offrant sans oublier de servir une belle étrangère que le Chapelier ne trouvait justement pas belle pour la seule et bonne raison qu'il ne l'avait même pas regardée. L'homme se leva et suivit de près le tavernier jusque la réserve. Feignant de lui montrer un nouveau cocktail – un nouveau mélange de stupéfiants ? - ce dernier ferma la porte derrière lui et, par la même occasion, mit fin définitivement à sa fausse bonne humeur.

Comme il fallait s'en douter, Matthys lui passa un sermon que Jefferson endura sans broncher, adossée au mur froid de la remise. La tête lui tournait et il se semblait stupide d'avoir voulu jouer les braves et décrocher du jour au lendemain. Il n'était qu'un putain de drogué, il aurait dû l'assumer depuis le temps. Les paroles du dealer éclataient dans sa tête, mélangées, confuses. Le Chapelier aurait voulu crier, répéter qu'il était désolé et qui le dédommagerait bien pour sa peine, mais ces phrases restaient bloquées au fond de sa gorge. Il n'avait qu'à encaisser. Se la fermer. Il se laissa glisser doucement contre le mur et une fois assis sur le sol glacé, il se sentit mieux, moins nauséeux, sans pour autant arrêter de trembler. Jefferson profita de ce moment de répit pour confesser son échec à celui qui pourtant l'aider tout le temps à plonger :

« J'ai... Essayé d'arrêter. Tout. Définitivement, souffla-t-il tout en fixant un point invisible ancré sous terre et en frissonnant doucement. J'ai pas réussi... Et me voilà. »

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« Ne mélangeons pas travail et plaisir... »

Jefferson glissa lentement sur le sol et maintenant que Matthys avait déballer toute sa colère, il ne put s'empêcher d'éprouver de la pitié pour cet homme si affaibli. Du coin de l’œil, il pouvait voir ses mains trembler à cause du manque. Il soupira. Les junkies ne savent pas tous se gérer...

Jefferson en faisait partit, Matthys le savait de ses yeux baissés à chaque fois qu'il venait pour un peu de poudre blanche. Le dealer n'avait pas vraiment cherché à savoir pourquoi. Chacun ses raisons, chacun ses problèmes. De nature très amical et social, l'envie de venir en aide aux gens qui l'entoure le titille souvent, mais rapidement l'instinct de conservation le pousse à rester hors de tous conflits. Il avait lui-même déjà assez de situations difficiles à gérer.

Matthys ne pu s'empêcher d'éclater de rire en entendant l'homme assis sur le sol de sa remise. Était-ce de la moquerie ? Plutôt un mélange de surprise et d'incompréhension.

- Tu veux arrêter ?

Chacun ses raisons, chacun ses problèmes, mais le dealer ne put s'empêcher d'être impressionné. Impressionné devant la décision, mais aussi devant sa stupidité. Comme si on pouvait décrocher comme ça par simple bonne volonté. Remarquant que le rire n'était peut-être pas très approprié à la situation, il se calma et s'accroupi à côté de son client.

- Tu sais même pas de quoi tu parles hein Jeff ? Quoi, tu pense vraiment que ça allait se faire comme ça ? Mon pote t'es un peu beaucoup à côté de la plaque.

Arrêter. Quelle blague. En voyant l'état misérable dans lequel se trouvait Jefferson, il était difficile de ne pas voir ça comme une bonne idée. Mais encore, un bon rail de coke et il repartait comme sur des roulettes. L'éternel dilemme des drogués. Continuer ? Arrêter ?

- Ecoute, je serais super triste de perdre un de mes meilleurs clients mais si tu veux un conseil pour arrêter en voici un : Fait toi aider. Tu y arriveras pas tout seul crois-moi.

Mais ce conseil pouvait tout aussi bien être le coup final pour quelqu'un comme Jefferson. Cet homme n'avait apparemment personne dans sa vie, et pourtant il réussissait encore à avoir honte de sa nature. Pour trouver de l'aide, il fallait déjà assumer le fait qu'il avait un problème et à voir comment ce dernier se cachait dans sa maison on ne sait où, ça n'était pas gagné. Matthys pouvait l'imaginer assit comme il était assit devant lui, au milieu de sa grande demeure avec pour seule compagnie l'Appel irrépressible.

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Juste une limonade ?

Matthys avait pu laisser éclater modérément sa colère ; Jefferson n'avait pas protesté. Sa tête lui faisait mal et tout son corps, comme un ventre soumis à une fringale, réclamait sa dose. Les marques d'animosité du barman ne l'atteignait même plus et de ses propos réprobateurs ne restait plus dans la tête du Chapelier qu'un bourdonnement désagréable. Une fois ses nerfs relâchés, le dealer sembla se clamer. Il s'accroupit près de son client, eh bien que la situation lui paraissait à présent comique comme l'attestait son rire franc et railleur, il n'en demeurait pas moins inquiet, cela se sentait, pour Jefferson et surtout pour ses affaires.

« Tu sais même pas de quoi tu parles hein Jeff ? Quoi, tu pense vraiment que ça allait se faire comme ça ? Mon pote t'es un peu beaucoup à côté de la plaque. »

Maintenant il savait. Ce n'était pas difficile, c'était tout simplement impossible. Il ne serait pas lui-même sans stupéfiants. Maintenant que Matthys parlait moins fort, les oreilles du Chapelier s'apaisèrent et son attention n'en fut que plus accrue. Il portait de nouveau attention aux propos qu'on lui adressait. Le barman poursuivit son petit récit :

« Écoute, je serais super triste de perdre un de mes meilleurs clients mais si tu veux un conseil pour arrêter en voici un : Fait toi aider. Tu y arriveras pas tout seul crois-moi. »

Mais il était seul. Sur le moment, avec le manque qui tambourinait dans sa gorge, Jefferson eut une folle envie de rire devant l'incongruité de la situation : son dealer lui donnait une conseil pour arrêter la drogue ! Il n'en fit rien. Manque de force, de courage et de conviction. Il n'espérait à présent plus qu'une chose : pouvoir de nouveau ingérer de la substance bas de gamme que lui refourguait depuis très longtemps le brun aux yeux clairs. Il brisa justement le silence dans l'espoir que ce dernier irait finalement dans son sens :

« En vingt-huit ans je ne t'ai jamais jamais jamais... désobéi... Dépanne-moi... juste pour cette fois ! »

Son ton hésitait entre honte et désir indomptable. Les mots s'étaient d'abord bousculer dans sa bouche, mais il avait finalement réussi à en sortir une phrase presque parfaite. Comme pour appuyer son argumentation, le Chapelier sortit son porte-feuilles qu'il ouvrit pour laisser entrevoir un joli paquet de billets. Presque le double de ce que lui coûtait ses achats habituels. Pour le dérangement. Même accroc, il restait réglo. Puis ses yeux partirent de nouveaux dans le vague tandis que son bras tremblait plus fort et qu'il partait dans un nouveau hoquet.

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Qu'est-ce que je te sers ?

« Ne mélangeons pas travail et plaisir... »

Désobéi ? Le terme prit Matthys au dépourvu. Il était vrai qu'étant le marchant, il avait un certain pouvoir sur son client, surtout vu l'addiction dans laquelle ce dernier c'était collé. Il était d'ailleurs le seul dans le coin à pouvoir répondre à ses besoins. Mais ce fut seulement en entendant Jefferson le supplier ainsi, il se rendit compte de l'ampleur du pouvoir qu'il avait sur lui.
Les sadiques adorent se faire supplier, mais Matthys sentit le dégoût monter en lui. Était-il aussi cruel ? Faisait-il vraiment partit des méchants des histoires ? Il n'était pas un saint ça il le savait bien, mais au fond de lui il avait encore l'espoir d'être un héro. Ça n'était pas pour rien qu'il s'était fait appelé Flynn Rider.

- Hey Jeff, Jeff ! Ecoute-moi bien. Ou plutôt écoute-toi ! "Désobéi" ? J'suis pas ton putain de maître ! s'énerva-t-il en prenant le drogué par les épaules.
- J'suis ton dealer, okay ? T'achète, je vends, c'est tout. Je "dépanne" pas.

Mais le Chapelier se mit à sortir son porte-feuille de ses mains tremblantes et Matthys observa le butin sans comprendre. L'argent l'attirait toujours, qui ne l'était pas ? Mais voir ces billets trembler dans les mains suppliantes de Jefferson ne lui donnait aucunement envie de les collecter.
Est-ce que ça avait toujours été ainsi ? On lui donne de l'argent et il sort la marchandise ? Vous voulez vous bousiller la santé ? Matthys a tout ce qu'il faut. Au final il n'était pas mieux que M.Gold et ses deals.

Lui qui était si furax en voyant le junkie débarquer dans son bar se sentit soudainement mal de l'avoir autant mal traité. Il était évident que l'homme était déjà mal en point. Il était venu, humble et suppliant et tout ce que Matthys avait trouvé de mieux à faire était le fusiller du regard et le rabaisser. La merde dans laquelle Jefferson se trouvait, c'était lui qui lui avait fournie. Pouvait-il encore prétendre être quelqu'un de bon ?

- Tu sais quoi, oublie ça. Oublie le deal, l'argent, tout ça. Je suis pas... Je suis pas qu'un distributeur, hein ? Mec, on se connait depuis vingt-huit ans ? Parle-moi ! Tu veux ta dose, je te donnerais ta dose. Tu veux arrêter... Je te ferais arrêter.

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Grande surprise. Mauvaise surprise. Grand désespoir. Le cœur du dealer semblait se remplir de pitié à l'égard de son client et cette dernière se devinait pleinement dans le regard qu'il lui lançait. Il avait totalement changé pour ainsi dire. Sa colère avait entièrement disparu. Malgré le paquet de fric que lui proposait le Chapelier, il ne céda pas. Pire, il refusa l'argent et se mit à se montrer plus protecteur qu'il ne l'avait jamais été dans leurs échanges habituels. Ce changement d'attitude décontenança Jefferson qui, malgré son sale état, tirait les conclusions de ce qu'il infligeait lui-même à ses interlocuteurs au cours de ses trop nombreuses sautes d'humeur. Cette attitude presque fraternelle lui donnait même des hauts le cœur. Le barman finit par lâcher :

« Tu sais quoi, oublie ça. Oublie le deal, l'argent, tout ça. Je suis pas... Je suis pas qu'un distributeur, hein ? Mec, on se connait depuis vingt-huit ans ? Parle-moi ! Tu veux ta dose, je te donnerais ta dose. Tu veux arrêter... Je te ferais arrêter. »

Jefferson devait vraiment avoir touché le fond pour entendre un tel discours. Matthys n'était pas son ami. Il n'en avait pas et n'en désirait pas vraiment. Le brun ne l'avait-il donc pas compris en vingt-huit ans que le Chapelier n'était pas fréquentable, qu'il se retrouvait souvent dans la merde et se sortait toujours seul de cette même merde ? Le drogué soupira et résigné tendit les billets vers le barman.

« Je… choisis ma dose. »

Il avait joué à n'être ce qu'il n'était pas ; il avait perdu. Il ne pouvait pas s'imaginer être un homme fréquentable, totalement clean. Il restait lui-même. Et cette situation était la preuve de son échec cuisant. Le manque se faisait trop fort. Il préférait abandonner et continuer à osciller entre envol et descente au enfer. Il ne pouvait pas supporter de tomber plus bas. Il lui fallait un nouvel air, une nouvelle dose. Vingt-huit ans qu'ils se connaissaient sans vraiment se comprendre. Jefferson soupira une nouvelle fois.

« Je paye toujours … mes … »

Les maux de têtes lui revenant il s'enferma une nouvelle fois dans le silence tandis que le monde ne devenait qu'une immense peinture impressionniste réalisée par un artiste sans réel talent. Son monde. Flou, criard, horrible. Voilà la réalité qu'il rencontrait lorsqu'il ne se droguait pas. Un monde de gris, de remords et de rancœur encore plus insoutenables. Il voulait, une nouvelle fois, avoir le droit de s'enfuir.

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Qu'est-ce que je te sers ?

Matthys soupira en fermant les yeux, faisant de nouveau face à l'air pathétique de Jefferson alors qu'il tendait faiblement ses billets en réclamant sa dose.
Il avait offert une porte de secours à son client et celui-ci la lui claquait au nez. Voyant le chapelier dans un état aussi pathétique, le dealer avait finit par se sentir coupable. Il avait été celui qui avait procuré le poison avec lequel cet homme détruisait sa vie. Il avait sentit un frisson froid lui murmurer à l'oreille "c'est toi qui a fait ça." et il n'avait pas supporté l'idée. Mais alors qu'il lui tendit la main, en tant qu'humain, en tant qu'ami, il se vit refuser la rédemption. Jefferson ne voulait pas de son aide. Il voulait sa dose.
Matthys se sentit frustré et un peu stupide d'avoir pensé et agit ainsi. Il n'y avait qu'à voir le désir et la supplication dans l'attitude de Jefferson pour comprendre qu'il n'y avait qu'un seul homme responsable de cette tragédie ambulante. Le Chapelier lui-même.

- Très bien ! cracha le dealer en s'éloignant de la loque affalée sur son sol.
Il s'arrêta un instant, prenant une longue respiration pour se retenir de frapper l'homme et pour s'accorder avec ce qu'il s'apprêtait faire. Il revint vers Jefferson et arracha enfin la liasse de billet qu'il lui tendait. Le dealer n'eut pas besoin de compter pour sentir qu'il y avait bien le double de la somme habituelle. Mais ça n'était pas suffisant pour être excusé d'être venu au bar et d'avoir été si chiant.

- Très bien... répéta le dealer en marmonnant d'une manière quelque peu prédatrice.
L'envie d'aider Jefferson maintenant éteinte par le principal concerné avait laissée place à un certain désir de donner une petite leçon à ce satané junkie. Pas au bar, hein ? C'était la seule consigne qu'il avait jamais donné, et il allait lui faire comprendre ce qu'il en coûtait de ne pas l'écouter. Matthys jeta un coup d’œil à montre.

- Et bien avec le petit pactole que tu me donne là, tu l'auras ta dose. Je suis un businessman après tout. Tu me payes, je te fournis ce dont t'as besoin. Pas besoin que ça change hein ?
Matthys n'était même pas sûr que le junkie l'écoute vu sa tête de mort vivant, son regard vitreux et sa lèvre inférieur légèrement pendante. Mais le barman n'avait pas vraiment besoin qu'on l'écoute, ni qu'on le voit d'ailleurs car alors qu'il parlait tranquillement, ses pas agiles le menèrent innocemment près d'une étagère. Ses doigts dansèrent sur la surface rugueuse d'une corde tressée.

- T'es un bon client Jeff. T'es régulier, tu payes bien, et j'suis pas près de te perdre !

Une certaine agressivité se ressentait clairement à travers le discours joyeux et le sourire du barman alors que celui-ci se rapprocha de Jefferson. Sa main droite vint rejoindre sa main gauche derrière son dos alors qu'il s'accroupit près de l'homme avec un grand sourire mauvais.

- Mais de tous mes clients Jeff, t'es le seul qui a pas comprit la seule règle que j'ai mis en place.

Brusquement, Matthys plaqua Jefferson au sol et sortit la corde qu'il avait dissimulé derrière son dos pour ligoter son client. Avec des gestes habiles et faisant face à une résistance plutôt approximative du drogué, le barman n'eut pas énormément de mal à immobiliser l'homme. Lorsqu'il eu finit avec la corde, il prit le chiffon à sa ceinture pour servir de bâillon. Il ne voulait pas que des cris alerte sa clientèle. Finalement, il redressa Jefferson dans une position assise pour plonger son regard acide dans le sien.

- Pas au bar, Jeff. siffla-t-il avec le fantôme d'un sourire sadique sur ses lèvres.

Matthys se redressa, contemplant son oeuvre avec satisfaction. Voilà, ça devrait lui servir de leçon. Le barman pouvait voir toute la réprobation dans le regard de sa victime mais une petite voix bien maléfique lui susurra à l'oreille qu'il n'avait pas vraiment à s'inquiéter. S'il y avait une chose de sûr chez les drogués, c'est qu'ils étaient près à tout pour avoir leur dose. Peu importe le petit différent que ce séquestration allait entraîner, il reviendrait. Ils revenaient toujours.

- Bon, maintenant qu'on a clarifié ça, on ce voit après mon service. A dans deux heures. ajouta-t-il avec froideur avant de quitter la remise en prenant soin de verrouiller la porte.

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Très bien… Matthys se contenta de répéter ces deux vulgaires mots. Rien de plus rien de moins. Mais son refrain en devenait presque nerveux. Du moins pour ce que Jefferson pouvait en comprendre. Il semblait répéter cela pour se convaincre que tout allait bien alors que c'était loin d'être le cas. Cherchait-il à se donner plus d'entrain ? Ou alors était-il vraiment satisfait d'être surpayé pour la consommation que lui réclamait désespérément le Chapelier ? Peu probable. L'air ambiant sentait la colère. Le barman pouvait-il vraiment se mettre en rogne contre son meilleur client ? En tout cas, il semblait tourner dans tous les sens. Son dit client avait du mal à suivre ses divers déplacements et finit par arrêter de chercher à en comprendre le sens. Il aurait sa dose. Il sortirait pour la consommer et il pourrait rentrer chez lui. La vie reprendrait son allure normale, comme s'il n'avait jamais bravé l'interdit. Pire ! Comme s'il ne lui était jamais venu à l'esprit cette idée présomptueuse qu'il aurait su à lui tout seul arrêter d'être dépendant à toute cette merde du jour au lendemain. Tout ce mal-être ne serait bientôt qu'un mauvais souvenir, un rêve étrange où on se croit toujours plus fort que ce que l'on est réellement. Un rêve… Si seulement, il retrouvait le mode d'emploi pour faire une nuit complète ! Le dealer continuait de déblatérer sur l'importance d'un marché en bonne et due forme où l'on payait toujours sa consommation. Il en arrivait même à vanter la qualité de Jefferson dans sa petite affaire.

« Mais de tous mes clients Jeff, t'es le seul qui a pas comprit la seule règle que j'ai mis en place. »

Soudain, le ton de Matthys se durcit encore et devint réellement menaçant. Mais qu'aurait pu faire son meilleur client ? Le barman se rua sur ce dernier pour le plaquer davantage au sol. Déjà il s'attelait à le ligoter sans ménagement avant de le jeter sur une chaise et de la bâillonner. Furieux, mais fier du châtiment qu'il imposait, l'homme s'en alla reprendre son service en laissant là un Jefferson nauséeux dont la tête commençait à peser lourdement sur ses épaules et en prenant bien soin de verrouiller la porte derrière lui.

Le Chapelier se retrouva ainsi dans le noir sans savoir encore que penser. Il avait rompu les termes du marché en venant négocier directement sur le lieu de travail de son dealer. Mais Matthys en s'en prenant directement à lui, lui faisait payer sévèrement cette entorse au règlement et venait de rompre une certaine confiance mutuelle qui existait entre eux auparavant. Lié dans l'obscurité, il se sentait trahi. Le cœur au bord des lèvres, il régurgita la bile de son estomac dans son bâillon et dut se contenter de son nez pour avoir un semblant de respiration, laissant ses relents macérer contre ses lèvres gercées. Craignant de finir par étouffer, il se débattit contre la force des liens qui le retenait à la chaise qui finit par se renverser sur le sol. L'homme laissa échapper un petit couinement de douleur lorsque sa tête heurta le béton poussiéreux et se laissa aller à divaguer vers un monde meilleur où Grace gambadait à ses côtés dans une forêt enchantée et oû un bon potage les attendait en rentrant.

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Qu'est-ce que je te sers ? ► Jefferson

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