Alors qu'il s'apprêtait à sauter et jouer à pile ou face entre atteindre sain et sauf l'entrée de l'école ou s'écraser contre un abyme sans fond, quelque chose retint Jefferson. Il avait reculé pour bien prendre son élan mais une main s'était posée sur son épaule le ralentissant. Il se retourna brusquement prêt à blâmer l'abruti qui l'empêchait de sauver de sa fille et se retrouva nez à nez avec le Shérif. Swan. Toujours Swan. Encore Swan. La blonde avait le don de toujours s’immiscer dans ce qui ne la regardait, à toujours se dresser en travers de sa route. Elle représentait cependant l'autorité dans la ville. Le Chapelier se résigna à l'écouter et, à la fin, dû convenir qu'elle n'avait pas tort, loin de là. Elle ne s'opposait pas vraiment à son projet de sauver sa fille. Elle repéra un endroit au le saut avait le plus de chance de ne pas s'avérer fatal et s'élança dans le vide... et réussit à atteindre l'autre côté sans trop de soucis. Jefferson, le cœur battant violemment dans sa poitrine, s'élança à sa suite. Lorsqu'il arriva dans l'école, le sol se mit à trembler dangereusement si bien qu'il crut voir là la dernière heure de Grace – ou plutôt devrait-il dure Page -, tous ses écoliers, de leur institutrice, d'Emma Swan et de lui-même. Tous précipités au fond du gouffre. Heureusement l'école tint bon. Le Chapelier se précipita vers le Shérif.

« Swan, attends ! »

Devant eux se dressait un nouveau trou qui déformait totalement le bâtiment en le coupant quasiment en deux. Un détour s'imposait car sauter de l'autre côté signifiait prendre le risque d'alourdir davantage les salles du fond et de les faire chuter dans les tréfonds. Son cœur se crispait, tandis qu'il cherchait une solution. Il s'approcha d'une fenêtre qu'il ouvrit. Peut être que l'étage était-il plus stable, ou tout du moins pas dévoré par cette énorme crevasse. Il suffirait alors de passer par le premier étage et redescendre de l'autre côté retrouver Page, les autres enfants et Mary Margaret. Jefferson se pencha alors par cette ouverture vers un maigre de salut et tenta de se hisser vers celle du-dessus. Sans grand succès. L'école tremblait trop et il n'avait pas de point d'appui.

« Swan ? Tu montes ? hasarda-t-il en espérant que la blonde accepterait son aide. »

Un nouveau craquement se fit entendre alors qu'un pont venu de nulle part venait de s'encastrer dans le maigre îlot qu'était devenu l'école municipale. Gold ? Le sang de Chapelier se glaça tandis que, dans le bâtiment branlant, il crut voir le parquet se dérober sous ses pieds. Simple hallucination due à la peur. Malheureusement, le sol se penchait légèrement en pente. À ce rythme là, tout le monde finirait dans le trou. D'autres personnes débarquaient déjà renforçant la masse totale que devait supporter la pauvre bâtisse...

La journée était rapidement en train de passer dans le top 5 des pires journées de sa vie, et peut-être même de se loger à la première place, ce qui n’était pas peu dire. Et elle n’était pas terminée.

A peine redressée, Emma se précipita vers l’école, talonnée de près par Jeff et Wyatt, qui passa devant elle pour ouvrir la porte de l’école et s’y engouffrer. Juste avant d’en faire de même, elle vit du coin de l’œil Gold faire apparaître un pont apparemment solide, reliant les deux extrémités du gouffre au-dessus duquel elle venait de risquer sa vie, et lâcha un juron, ne se retenant que de justesse de le traverser pour dire deux mots au prêteur sur gages – il ne pouvait pas faire apparaître ce pont une minute plus tôt, sérieusement ?! Elle serra les dents, se concentrant sur l’école qui s’affaissait un peu plus à chaque seconde – elle aurait le temps de le confronter sur ce tremblement de terre plus tard, pour le moment sa priorité était de s’assurer que tous ceux qui se trouvaient dans le bâtiment en ressortiraient sains et saufs. Il y avait là-dedans sa mère et son fils, et il était hors de question qu’il leur arrive quoique ce soit.

Alors qu’elle avait à peine franchit le seuil, elle entendit quelqu’un crier distinctement son nom. Une voix qu’elle connaissait, qu’elle aurait reconnue n’importe où. Son cœur manqua un battement, puis redémarra au triple galop tandis qu’elle se tournait vers le nouvel arrivant, qui courrait sur le pont pour la rejoindre.

Pendant quelques secondes, elle ne put rien faire. Ni bouger, ni parler, ni même respirer. Les yeux écarquillés, rivés sur celui qui s’approchait à grands pas, elle avait l’impression de regarder la scène de l’extérieur, incapable de réagir.

« Neal », souffla-t-elle, l’air complètement incrédule.

Elle se sentit soudain prise dans une tourmente de sentiments – incompréhension, colère, tristesse, honte, effroi, peur se battaient dans sa poitrine pour avoir la priorité, mais ce fut finalement la peur qui l’emporta. Peur pour Henry et sa mère, pour Grace, et les autres enfants. Ce n’était pas le moment de péter les plombs – à moins que ce ne fût déjà fait et que Neal ne fut qu’une hallucination ; cela expliquerait beaucoup de choses.

« Emma ! »

Elle se tourna juste à temps pour voir Matthys la rejoindre et lui parler, mais ses propos furent noyés dans le tumulte qu’était sa tête et elle se contenta de le regarder d’un air hagard, se demandant même s’il parlait la même langue qu’elle. Son cerveau ne sembla véritablement se rebrancher que lorsqu’il prononça le nom de sa mère, et cela la fit enfin réagir, la tirant de son immobilisme.
Au même moment, Jefferson s’approcha sur elle.

« Swan, attends ! »

Elle prit pour la première fois conscience du nouveau fossé qui les séparait du reste de l’école et suivit le chapelier vers une fenêtre à travers laquelle il tenta de se hisser pour atteindre celle du dessus.

« Swan ? Tu montes ? »

Comprenant rapidement son plan, elle hocha la tête, mais avant de pouvoir faire quoique ce soit, le plancher céda un peu plus, et elle vit un tableau se décrocher du mur pour glisser et disparaître dans les abîmes.
Elle se tourna vers Matthys, Wyatt et Neal – pas le temps de penser à ça, plus tard – et leur lança :

« Il faut que l’un de vous veille à ce que personne d’autre n’approche, le bâtiment va s’effondrer sous notre poids si ça continue ! »

Elle ne s’attarda pas pour voir si l’un deux appliquait sa consigne, elle fit un signe de tête à Jeff qui lui donna l’appui nécessaire pour qu’elle se faufile par la fenêtre et atteigne l’étage supérieur. Au premier coup d’œil, elle put voir qu’excepté un plancher bancal et plusieurs tables renversées, il semblait encore intact. Elle évalua rapidement les dégâts puis se penchant vers Jeff, elle lui tendit la main pour lui retourner la faveur.

« Je pense qu’on peut passer, donne-moi ta main », marmonna-t-elle entre ses dents.

Puis un nouvel ébranlement à l’étage inférieur la fit soudain prendre conscience d’une chose : si ça continuait, ils n’auraient probablement pas le loisir de faire descendre les enfants un à un par la fenêtre ; ils n’auraient alors pas d’autres choix que de passer par-dessus le nouveau gouffre. Celui-ci n’était heureusement pas aussi large que l’autre, et le sol semblait stable de l’autre côté – avec Wyatt et les autres, ils pourraient peut-être réceptionner les enfants mais ça restait dangereux et… Elle se mordit les lèvres férocement mais ne s’autorisa pas à penser à ce qui pouvait arriver. Elle n’avait pas le droit de paniquer. Chaque chose en son temps. Ils devaient d’abord rejoindre les enfants et Mary Margaret. Ensuite, ils aviseraient.

Jeff et Emma venaient à peine de rejoindre Mary Margaret et les enfants avec un soulagement évident en constatant que tous allaient bien, Paige et Henry inclus, quand une nouvelle secousse se fit sentir. Emma serra aussitôt son fils contre elle pour le protéger, mais celle-ci fut cependant très brève et lorsqu’elle s’arrêta, la shérif constata avec stupeur que l’école était soudain… stable. Le plancher n’était plus incliné, le sol ne menaçait plus de s’effondrer… plus rien ne bougeait. C’était presque comme si quelque chose s’était soudain interposé pour faire contrepoids. Quelque chose… ou quelqu’un. Emma avait l’intuition inexpliquée qu’il y avait de la magie dans l’air, même si elle n’avait rien vu qui puisse le laisser penser. Décidant cependant de ne pas s’attarder, elle résista à l’envie de prendre dans ses bras sa mère et son fils pour savourer la joie de les voir en vie : même si le danger semblait éloigné, plus vite ils partiraient d’ici, mieux ce serait.
Elle disparut rapidement s’assurer de quelque chose, et put constater que l’école stabilisée, le fossé qui la divisait en deux avait disparu. La fissure était encore parfaitement visible, mais excepté quelques trous là où le sol s’était effrité, les deux moitiés étaient à nouveau réunies et garantissaient un passage aisé. Bien. Inutile de tenter la chance plus longtemps. Emma remonta pour faire signe à Mary Margaret et les autres de la suivre, et prenant la main d’Henry dans la sienne, tous descendirent l’escalier aussi rapidement que possible. Ca et là, de la poussière tombait et quelques pans de murs continuaient à s’affaisser mais pour le reste, le sol semblait solide, et ils purent tous traverser le hall jusqu’à la sortie sans encombres. Mary Margaret les fit passer un à un en les comptant, et lorsqu’elle fut assurée que tous étaient bien présents et sains et saufs, ils purent franchir le pont en laissant derrière eux l’école. La bâtisse faisait peine à voir, mais malgré tout tenait encore bien debout alors qu’elle avait été sur le point de s’effondrer quelques minutes plus tôt. Rien de visible ne laissait supposer qu’il y avait quelque chose de changé qui avait pu leur sauver la vie, mais Emma avait vu, avait senti même, l’école menacer de s’écrouler au moindre pas : la chute qui semblait pourtant inéluctable n’avait pas pu être évitée ainsi. Quelque chose s’était produit.
Laissant Jeff et sa fille passer devant elle, ainsi que Matthys et Neal (surtout ne pas penser à lui, elle aurait le temps pour ça plus tard, pas maintenant), Emma fut la dernière à traverser, et lorsqu’elle posa enfin pied sur la terre ferme, son regard croisa celui de Gold qui était à présent en compagnie de… Belle. Un léger sourire se fraya sur ses lèvres lorsqu’elle reconstitua ce qui s’était très probablement passé, mais puisqu’elle n’avait aucune preuve et que dans tous les cas il avait clairement tenté d’être discret, elle fit mine de rien, et s’autorisa enfin à prendre dans ses bras Henry et sa mère tandis que les autres enfants en faisaient autant auprès de leurs parents qui avaient attendus, la mine inquiète, de les voir ressortir. Par-dessus l’épaule de Mary Margaret, elle adressa un signe du pouce à Matthys qui avait veillé à ce qu’aucun d’eux ne rentre, au risque de faire sombrer définitivement la bâtisse, et fit de son mieux pour ne pas croiser Neal du regard. Tant qu’elle ne le voyait pas, elle pouvait nier tout ce qui s’était passé. Elle savait qu’il lui faudrait faire face tôt ou tard mais… pas maintenant. Elle voulait simplement serrer Henry dans ses bras jusqu’à ce qu’il n’en puisse plus, ce qui ne semblait pas près d’arriver à en juger la façon dont il enserrait sa taille, sa joue appuyée contre son ventre. Elle passa une main dans ses cheveux en souriant, puis leva la tête à temps pour voir Jeff et Paige s’éloigner.
Elle mima un merci des lèvres, et peu à peu, la place se vida, parents et enfants rentrant chez eux savourer leur immense chance… s’ils avaient su à qui ils la devaient. Certainement pas à Emma en tout cas.

Elle se pencha pour embrasser Henry sur le front puis murmura d’un air fatigué à l’intention de Mary Margaret :

« Rentrons à la maison. »

L’enseignante acquiesça doucement. Il y avait encore beaucoup de choses à régler : il lui faudrait s’assurer de sécuriser toute la zone pour commencer, mais sa priorité pour le moment était de se poser. A présent que l’adrénaline quittait peu à peu son corps, elle avait l’impression que ses jambes pouvaient céder sous elle à tout moment, et n’aurait pas dit non à une chaise et un chocolat chaud. Un chocolat chaud en famille, décida-t-elle en marchant aux côtés de Mary Margaret sans lâcher la main d’Henry.

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