Voyage au centre de la terre

Un exemplaire du Daily Mirror du jour dans une main, et un café chaud aux couleurs du Granny’s B&B dans l’autre, Emma traversait la rue en parcourant des yeux la première page du journal. L’affaire « Cricket » faisait la une et s’étalait sur les gros titres, mais une mineure partie de la page avait tout de même été consacrée au retour de la jeune femme et de sa mère, fraîchement revenues du monde des contes. Hélas, elles avaient été suivies de près par deux individus aux intentions bien moins louables, ce que Sidney Glass semblait ignorer, à moins qu’il n’ait jugé plus judicieux de ne pas en parler. Son attention retenue par le papier, elle ne prêtait pas vraiment attention à ce qui se passait autour d’elle tandis qu’elle se rendait à son bureau. Storybrooke était une ville assez calme (du moins, c’était le cas avant que la malédiction ne soit brisée) et même la rue principale était rarement très animée : peu de voitures y passaient, et la plupart des gens avaient une routine bien fixée, un trajet à suivre tout tracé, qu’ils avaient suivis consciencieusement pendant vingt-huit ans et dont ils ne parvenaient pas tout à fait à se débarrasser encore maintenant. Certaines habitudes ont la vie dure.

Mais quelques secondes avant que quoique ce soit ne se produise, les sens de la blonde se mirent en alerte : quelque chose clochait. Peut-être était-ce simplement parce qu’elle était sans cesse sur ses gardes depuis quelques jours et que la journée commençait un peu trop tranquillement à son goût (non pas qu’elle n’eût pas apprécié un peu de calme, au contraire, mais depuis son retour, elle n’avait pas vraiment eu l’occasion de se reposer sur ses lauriers), mais il lui avait semblé développer ce qui ressemblait presque à un sixième sens, percevant le moindre changement d’atmosphère autour d’elle. Elle n’eut cependant pas le temps de se préparer pour ce qui arriva. Quelque part derrière elle, elle entendit quelque chose tomber et se fracasser avec un bruit sourd tandis que sous ses pieds, le sol se mettait à trembler violemment. Sous le choc, son café lui échappa des mains et si elle eut le réflexe de se protéger à l’aide du journal pour ne pas s’ébouillanter, plusieurs gouttes n’en éclaboussèrent pas moins sa veste en cuir et le petit haut blanc qu’elle portait en-dessous. Etouffant un juron, elle lâcha le journal trempé et avant d’avoir pu de se remettre de ses émotions, le tremblement se fit plus violent encore, ne lui laissant d’autre choix que de courir jusqu’au portail de maison le plus proche pour s’y agripper en attendant que les secousses s’arrêtent. Une fissure se dessina peu à peu sur le sol, s’élargissant dans un grondement sinistre durant de longues secondes, puis, peu à peu, les choses semblèrent se calmer.
Son regard scanna rapidement la rue pour s’assurer que personne n’était en danger ou n’avait été blessé. Il y avait bien la jeune femme qui sortait du Granny’s, mais la blonde aperçut une forme qui se dirigeait vers elle pour lui venir en aide. Les autres habitants avaient, semblait-il, eu le réflexe de s’isoler chez eux. Le calme semblait revenu, mais la jeune femme n’excluait pas la possibilité que l’évènement se reproduise. Tandis que plusieurs têtes apparaissent peu à peu aux fenêtres pour constater les dégâts, et que d’autres plus téméraires sortaient de chez eux, une agitation se créa rapidement dans la rue. Emma relâcha le portail auquel elle s’était agrippée, ses pas encore légèrement tremblants, et leva les mains dans un geste qui se voulait rassurant, l’instinct du Shérif reprenant le dessus, haussant la voix pour se faire entendre de tous :

« Du calme, ce n’est qu’un tremblement de terre ! Restez chez vous jusqu’à nouvel ordre et tout se passera bien ! »

Malgré sa voix ferme et son assurance apparente, elle-même n’était pas entièrement convaincue par ses paroles. Evidemment, la catastrophe semblait naturelle, mais dans une ville qui comportait sorcière, nains, fées, dragons et même depuis peu pirates et géants, quelles étaient les chances pour que l’incident soit purement le fruit du hasard ? S’efforçant de ne pas s’attarder là-dessus, elle établit rapidement son ordre de priorité : il lui fallait sécuriser la rue, s’assurer qu’il n’y avait pas eu d’éboulements trop graves dans la ville ou de blessés, mais avant tout, elle devait s’assurer qu’Henry allait bien. Le téléphone en main, elle composa aussitôt quelques numéros pour prendre les choses en main, ses talons claquant sur le bitume tandis qu’elle se dirigeait au pas de course vers l’école où sa mère et son fils se trouvaient. Ce fut à ce moment qu’elle percuta quelqu’un de plein fouet, la faisant lâcher son téléphone et tandis qu’elle se reculait pour reprendre son équilibre (et son souffle), elle leva les yeux vers la personne qu’elle avait heurtée.

« Jefferson ?! »

Nul doute que lui aussi devait s’inquiéter pour sa fille, puisqu’il courrait dans la même direction qu’elle, mais il s’était fait tellement discret depuis que la malédiction avait été brisée qu’elle l’avait presque oubliée, et ce n’était pourtant pas faute de recevoir encore parfois dans ses rêves la visite de chapeaux – elle avait vécu pas mal de choses en son temps, mais le kidnapping était une première. Cependant, au regard de tout ce qui s’était passé dernièrement, cela lui semblait être la bien moindre de ses expériences…

Trop de choses se passaient en trop peu de temps pour Emma qui ne savait plus où donner de la tête. Oh, un jour routinier à Storybrooke…
A peine s’était-elle remise de sa collision avec Jefferson – qui l’avait rattrapée juste à temps – que Gold avait décidé de pointer le bout de son nez, ce qui ne la surprenait pas vraiment. Désinvolte et souriant, comme à son habitude, il ne semblait nullement perturbé par les évènements, bien au contraire.

« Alors Miss Swan, belle journée n'est ce pas ? Vous aussi vous avez remarqué ce petit incident ? Curieux non, on croirait presque que c'est magique ! »

Elle haussa des sourcils incrédules à ces mots. Belle journée ? Petit incident ? Il se fichait d’elle, ou bien ?
A moins qu’il ne fut le responsable de ce petit chaos, ce qui ne lui semblait pas impossible, connaissant le personnage. Mais d’une part, elle ne voyait pas pour quelle raison il aurait fait cela (ce qui n’était pas vraiment un argument ; depuis son arrivée ici, elle avait rarement compris pourquoi les gens faisaient ce qu’ils faisaient… tout ça la dépassait complètement), et puis il semblait plus être comme elle spectateur qu’acteur – ce qui encore une fois ne signifiait pas qu’il n’y était totalement pour rien, mais son intuition lui disait que ce n’était pas lui, et comme bien souvent, elle s’y fiait.

Elle ouvrit la bouche, prête à répliquer, mais on ne lui en laissa pas le temps. Alice, qu’Emma avait rencontré tout récemment, venait d’arriver en interpellant Jefferson qu’elle semblait apparemment connaître – apparemment, quelle idiote : bien sûr qu’elle le connaissait, il s’agissait du Chapelier fou et elle était Alice ! La Alice. Emma n’était pas sûre de jamais se faire à l’idée.

« Qu'est-ce qui se passe ? C'était quoi ? »

Une fois de plus, la Shérif n’eut pas l’occasion de répondre (si tant était qu’elle eût une réponse), car un homme venait d’arriver en courant, criant quelque chose d’inintelligible au sujet de l’école, et son sang ne fit qu’un tour. Henry. Mary Margaret.

Il n’en avait fallu beaucoup plus pour que d’un même élan, elle et Jefferson et peut-être d’autres qui les suivaient (elle ne s’était pas vraiment arrêtée pour compter) ne se précipitent en courant vers l’école, à quelques pas de là. Laquelle était effectivement en mauvaise posture. Très mauvaise. Tout menaçait de s’écrouler, et une crevasse presque aussi large que la rue les séparait du bâtiment. Jefferson, à ses côtés, hurla le nom de sa fille, et si elle fut tentée d’en faire autant, elle se doutait que cela ne servirait pas à grand-chose et qu’il lui valait mieux économiser ses forces – elle avait comme dans l’intuition qu’elle allait en avoir besoin.
Elle sentit quelqu’un s’approcher d’elle, à quelques centimètres du bord de la fissure qui semblait étonnamment profonde, et comprit en lui jetant un regard hagard, comme si elle voyait à travers lui, que c’était Wyatt, mais si son cerveau lui donna l’information, sur le moment elle ne semblait pas avoir trop de sens. Seule sa remarque la percuta :

« Je pense qu'on pourrait passer... c'est faisable... Mais si on se loupe… »

Remarque qui s’octroya les foudres de Jefferson.

« Comme si on ne pouvait pas arriver à cette déduction. Faites comme bon vous semble. Moi, je vais chercher ma gamine. Et s'il lui arrive quoi que ce soit, vous allez le payer. »

Emma lui lança un regard agacé. Sérieusement ? Il n’avait que ça à faire, là, tout de suite, que d’adresser des menaces à des gens qui n’y pouvaient rien et avaient probablement autant à perdre que lui ?
Il adressa quelques mots dirigés à sa fille, et alors qu’il reculait pour sauter, la Shérif le retint d’un geste vif.

« Tu ne seras pas d’une grande aide à Paige si tu finis au fond de cette ravin », le sermonna-t-elle tout en jaugeant la situation d’un œil froid et rapide.

Elle était agile, et légère, et avait toujours été meilleure en gymnastique qu’en arts ménagers, aussi sauter par-dessus la crevasse lui semblait largement faisable, mais il y avait toujours un risque. Un risque assez lourd. Son regard remonta le long de la fissure qui lézardait la rue, puis elle prit une décision, sans lâcher le bras de Jefferson.

« La fissure est moins large de ce côté. »

Et en effet, un peu plus loin sur la rue la crevasse était légèrement plus étroite qu’ici, le risque restait présent, mais était plus minime. Elle se tourna vers les autres rapidement :

« Les secours sont en route. En attendant, essayez de trouver un moyen plus sûr de passer, une corde, une grue, n’importe quoi. Nous nous occupons des enfants. »

Les secours ne leur seraient probablement pas d’une plus grande aide qu’eux-mêmes, mais c’était le genre de phrase toutes faites que les gens aimaient entendre pour se rassurer, qui donnaient l’illusion que tout était sous contrôle. Quant au « nous », elle avait conscience que Jefferson était avant tout préoccupé par Paige, tout comme elle l’était pour Henry, mais cela ne signifiait pas qu’il était suffisamment égoïste pour laisser les autres à leur triste sort, ou en tout cas l’espérait-elle. Elle ne tenta pas non plus de le dissuader de venir – ni lui ni un autre d’ailleurs –, elle savait que c’était vain, et n’avait pas vraiment de temps à perdre, comme le rappela un nouveau craquement sinistre venu de l’école.

« Allons-y », souffla-t-elle à l’intention de Jefferson, qu’elle lâcha pour se mettre à courir sans vérifier qu’il la suivait.

Quelques mètres plus loin, s’immobilisant devant ce qui lui semblait être l’endroit où la fissure était la plus étroite dans son champ de vision (elle n’avait pas vraiment le temps de longer toute la rue), elle prit une profonde inspiration, un grand élan et… sauta.

Ses mains et ses genoux se réceptionnèrent sur le sol ferme avec une douleur lancinante qui la traversa soudainement, mais Emma n’enregistra qu’une seule chose en se relevant malhabilement, frottant ses paumes de main éraflées l’une contre l’autre : elle était passée.

Spoiler:

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Welcome to Storybrooke.

C'est ça bienvenue Neal. Honnêtement, je ne suis pas sur d'être le bienvenue ici. Mais du moment que j'arrive à cacher mon identité, tout se passera bien, n'est-ce pas ? … N'est-ce pas ?! Moui, on y croit tous. Venir ici ne m'enchantait guère. Bon sang, Neal, mais qu'est-ce qui t'a prit ? Il n'était pas trop tard pour faire demi tour. Et pourtant, assit sur le capot de ma voiture (volée), je regardais silencieusement depuis plusieurs minutes, le panneau qui indiquait que j'étais -enfin- arrivé à Storybrooke. Rebrousser le chemin me semblait pourtant être une idée complètement stupide. Pourquoi partir après être arrivé si loin ? Mais pourquoi rester également ? Qu'est-ce que je voulais au juste ? J'avais agit par instinct. Emma ne devait certainement pas vouloir me voir, et d'ailleurs je doute d'être actuellement dans ses pensées. En 10 ans, elle m'avait certainement oublié, refait sa vie. Je le souhaitais pour elle, oui je le souhaitais de tout coeur. Et moi ? Est-ce que j'avais refais ma vie ? J'étais avec Tamara mais …. Je laissais échappé un petit rire désabusé, pas bien fier de ma personne. Mais, je ne l'avais pas appelé pour lui dire que je partais. Il faudrait peut-être songé à le faire non ? Et pourtant le téléphone restait dans ma poche.

Allez Neal, lance toi. Avec un regain de détermination, je sautais sur la terre ferme avant de retourner à l'intérieur de mon véhicule pour enfin franchir le seuil de Storybrooke. Par quoi commencer ? Je doute qu'approcher directement Emma soit une bonne idée. Peut-être que je devrais appeler August. Au moment où j'allais sortir mon portable, je fus stoppé par une ribambelle de nains qui passaient devant moi, pieux contre les épaules. Non mais je rêve ?! Pas sur de ce que je voyais, je me penchais sur mon volant pour les regarder avec un air dépité. Oui bon … Lorsqu'on avait passé autant de temps vers les humains normaux, voir les personnages de conte se balader dans les rues …. C'était assez déconcertant. Remet-toi Neal, tu viens de chez eux. Enfin, je venais de chez eux. Dans un passé lointain. Passé que j'avais décidé d'oublier. Et pourtant, en venant ici, je savais qu'il me retomberait en pleine face. Préférant ne pas y songé pour le moment, je soupirais, avant de garer « ma » voiture et sortir. Le temps était plutôt beau. Une bonne journée s'annonçait. C'est ça Neal, réconforte toi avec le temps !!! Une bonne journée qui s'annonce est toujours annonciatrice de bon présage. Au moins, une tornade ne nous tombera pas dessus, pensais-je avec un fin sourire. Quoi ? Vous pouvez trouver cette idée stupide, mais croyez moi, des choses étranges, j'en ai vu durant mon existence. Et maintenant que la magie était de retour …. Ne pense à rien Neal, ça vaut mieux. …

…..

Trop tard.
Ce n'était pas une tornade qui m'attendait.
C'était pire.

La terre se mit soudainement à trembler sous mes pieds -et pas que les miens d'ailleurs-. Bon sang, c'est quoi ça ?! Perdant l'équilibre, je tombais en avant pour me prendre ma voiture de plein fouet. Le choc m'avait coupé le souffle pendant plusieurs secondes. Je ne sais pas si je n'aurais pas préféré la tornade ? Complètement déconcerté, je me retenais où je pouvais, attendant que les secousses se calment, ce qui fini par arriver. Bon. Plus de peur que de mal. Du moins, pour ma part.

Je me redressais, furieux, remettant un peu d'ordre dans mes cheveux et vêtements. Non mais qu'est-ce qui se passe ici hein ?! J'espère que ce n'est pas le quotidien de Storybrooke, sinon je vais me tirer une balle ! Ou quitter les lieux !! D'ailleurs la deuxième option était bien tentante. Reste loin du surnaturel Neal ! Et pourtant …. Et pourtant, je me demandais si Emma allait bien, si elle n'avait pas été blessée par ce tremblement de terre ? Raaaah, je ne pouvais décidément pas quitter les lieux sans en avoir le coeur net.

Alors que les habitants sortaient de chez eux pour voir ce qu'il s'était passé, j'abattais le capuchon de veste grise sur ma tête. Evidemment, je savais que personne ne pouvait faire le lien entre Neal et Baelfire -à part August-, mais je me sentais plus en sécurité ainsi. Et puis, il vaut mieux prévenir que guérir. Cache toi aussi d'Emma, Neal. Sois préventif.

Faisant la même chose que la plupart des habitants, je couru avec eux. Bah quoi ? Lorsqu'on voit tout le monde courir, on se dit qu'il faut faire pareil, surtout après un tel évènement. Ma course folle se termina vers ce qui me semblait être une école. Mais ce qui me fit écarquiller les yeux, c'était surtout l'énorme cratère qui menaçait d'engloutir l'établissement dans les ténèbres. Je n'eus que le temps de voire une silhouette blonde se frayer un passage et sauter par dessus le cratère, avant d'atterrir de l'autre côté, et de justesse. Mon coeur rata un battement et instinctivement je portais la main à ma poitrine. Emma. Je l'avais reconnu tout de suite, de part son courage, mais aussi son physique. Elle n'avait pas changé. Et elle avait ….. minute …. ELLE A SAUTE !!!!!! Non mais j'y crois pas, mais elle est malade ?! Elle veut mourir ou quoi ?! Agissant avec impulsion, j'allais en faire de même pour la rejoindre -oui mon inquiétude me rend fou- lorsque je me stoppa dans mon élan, en entendant des bruits de pas, porté par une canne. Étrangement, au plus profond de mon coeur, il me semblait reconnaître ce pas entre mille. Inspirant un bon coup, je retiens ma respiration, figé sur place. Et l'homme s'avança. Mon coeur se glaça. Je le suivais des yeux sans bouger, avant de relâcher ma respiration. Je fus pris d'un long frisson qui parcouru la totalité de mon corps. Incapable de faire le moindre mouvement, de prononcer la moindre parole, je restais tétanisé sur place. Et pourtant …. pourtant je le savais …. Mon passé me retomberait en pleine face.

Papa....

Toujours dans l'incapacité de retrouver l'usage de mes mouvements, je l'observais, alors que mon coeur se serrait d'avantage. Qu'est-ce que je ressentais ? Je ne sais pas … Je préférais ne pas y songer. Ferme les yeux Neal, ferme les yeux, ce n'est peut-être qu'une illusion. Mais non, je n'étais pas capable de fermer les yeux. La raison ne semblait pas être la plus forte. Il avait bien changé. Ses vêtements ainsi que son visage le rendaient plus humains. Mais je savais que derrière cette apparence, se cachait le Ténébreux. Et il me le prouva lorsque le pont sur la cratère, offrant ainsi une ouverture pour sauver ceux qui étaient toujours dans l'école.

« Raaah, la magie ! »murmurais-je avec mépris, malgré moi.

J'aurais aimé ne rien dire, mais c'était plus fort que moi. J'avais craché mon venin, mon dégout envers cette magie. Déçu de voir qu'il l'utilisait toujours ? Oui certainement. Et pourtant, c'était pour sauver la vie d'innocent, mais je n'arrivais pas à avoir ce raisonnement. Parce que je ne le connaissais que trop bien. Parce que la magie vient toujours avec un prix.

Désirant tout de même ne pas me faire remarquer, je reculais de quelques pas, pour me fondre parmi les autres membres de la ville. Je priais, espérant qu'il ne m'avait pas entendu. Par précaution, je tirais d'avantage ma capuche sur ma tête. De quoi est-ce que j'avais peur ? Il ne pouvait pas me reconnaître. Et Emma était bien loin. …. Emma …. Maintenant que mon père avait utiliser la magie … Est-ce qu'elle risquait quelque chose ? Est-ce que Emma était en danger ? La magie a toujours un prix.

« EMMA !!!! »

Raaaah, Neal et ton sens du sacrifice ! Toujours sauver les victimes de la magie. Comme avec Wendy. Avec l'histoire de l'Ombre. A quoi tu penses Neal ? Non, n'y songe même pas !! Et pourtant … Et pourtant, j'étais déjà entrain de courir sur le pont, avant de débarquer brusquement dans l'école, sans un regard en arrière.

« EMMA ???!!! »

Alors qu'il s'apprêtait à sauter et jouer à pile ou face entre atteindre sain et sauf l'entrée de l'école ou s'écraser contre un abyme sans fond, quelque chose retint Jefferson. Il avait reculé pour bien prendre son élan mais une main s'était posée sur son épaule le ralentissant. Il se retourna brusquement prêt à blâmer l'abruti qui l'empêchait de sauver de sa fille et se retrouva nez à nez avec le Shérif. Swan. Toujours Swan. Encore Swan. La blonde avait le don de toujours s’immiscer dans ce qui ne la regardait, à toujours se dresser en travers de sa route. Elle représentait cependant l'autorité dans la ville. Le Chapelier se résigna à l'écouter et, à la fin, dû convenir qu'elle n'avait pas tort, loin de là. Elle ne s'opposait pas vraiment à son projet de sauver sa fille. Elle repéra un endroit au le saut avait le plus de chance de ne pas s'avérer fatal et s'élança dans le vide... et réussit à atteindre l'autre côté sans trop de soucis. Jefferson, le cœur battant violemment dans sa poitrine, s'élança à sa suite. Lorsqu'il arriva dans l'école, le sol se mit à trembler dangereusement si bien qu'il crut voir là la dernière heure de Grace – ou plutôt devrait-il dure Page -, tous ses écoliers, de leur institutrice, d'Emma Swan et de lui-même. Tous précipités au fond du gouffre. Heureusement l'école tint bon. Le Chapelier se précipita vers le Shérif.

« Swan, attends ! »

Devant eux se dressait un nouveau trou qui déformait totalement le bâtiment en le coupant quasiment en deux. Un détour s'imposait car sauter de l'autre côté signifiait prendre le risque d'alourdir davantage les salles du fond et de les faire chuter dans les tréfonds. Son cœur se crispait, tandis qu'il cherchait une solution. Il s'approcha d'une fenêtre qu'il ouvrit. Peut être que l'étage était-il plus stable, ou tout du moins pas dévoré par cette énorme crevasse. Il suffirait alors de passer par le premier étage et redescendre de l'autre côté retrouver Page, les autres enfants et Mary Margaret. Jefferson se pencha alors par cette ouverture vers un maigre de salut et tenta de se hisser vers celle du-dessus. Sans grand succès. L'école tremblait trop et il n'avait pas de point d'appui.

« Swan ? Tu montes ? hasarda-t-il en espérant que la blonde accepterait son aide. »

Un nouveau craquement se fit entendre alors qu'un pont venu de nulle part venait de s'encastrer dans le maigre îlot qu'était devenu l'école municipale. Gold ? Le sang de Chapelier se glaça tandis que, dans le bâtiment branlant, il crut voir le parquet se dérober sous ses pieds. Simple hallucination due à la peur. Malheureusement, le sol se penchait légèrement en pente. À ce rythme là, tout le monde finirait dans le trou. D'autres personnes débarquaient déjà renforçant la masse totale que devait supporter la pauvre bâtisse...

La journée était rapidement en train de passer dans le top 5 des pires journées de sa vie, et peut-être même de se loger à la première place, ce qui n’était pas peu dire. Et elle n’était pas terminée.

A peine redressée, Emma se précipita vers l’école, talonnée de près par Jeff et Wyatt, qui passa devant elle pour ouvrir la porte de l’école et s’y engouffrer. Juste avant d’en faire de même, elle vit du coin de l’œil Gold faire apparaître un pont apparemment solide, reliant les deux extrémités du gouffre au-dessus duquel elle venait de risquer sa vie, et lâcha un juron, ne se retenant que de justesse de le traverser pour dire deux mots au prêteur sur gages – il ne pouvait pas faire apparaître ce pont une minute plus tôt, sérieusement ?! Elle serra les dents, se concentrant sur l’école qui s’affaissait un peu plus à chaque seconde – elle aurait le temps de le confronter sur ce tremblement de terre plus tard, pour le moment sa priorité était de s’assurer que tous ceux qui se trouvaient dans le bâtiment en ressortiraient sains et saufs. Il y avait là-dedans sa mère et son fils, et il était hors de question qu’il leur arrive quoique ce soit.

Alors qu’elle avait à peine franchit le seuil, elle entendit quelqu’un crier distinctement son nom. Une voix qu’elle connaissait, qu’elle aurait reconnue n’importe où. Son cœur manqua un battement, puis redémarra au triple galop tandis qu’elle se tournait vers le nouvel arrivant, qui courrait sur le pont pour la rejoindre.

Pendant quelques secondes, elle ne put rien faire. Ni bouger, ni parler, ni même respirer. Les yeux écarquillés, rivés sur celui qui s’approchait à grands pas, elle avait l’impression de regarder la scène de l’extérieur, incapable de réagir.

« Neal », souffla-t-elle, l’air complètement incrédule.

Elle se sentit soudain prise dans une tourmente de sentiments – incompréhension, colère, tristesse, honte, effroi, peur se battaient dans sa poitrine pour avoir la priorité, mais ce fut finalement la peur qui l’emporta. Peur pour Henry et sa mère, pour Grace, et les autres enfants. Ce n’était pas le moment de péter les plombs – à moins que ce ne fût déjà fait et que Neal ne fut qu’une hallucination ; cela expliquerait beaucoup de choses.

« Emma ! »

Elle se tourna juste à temps pour voir Matthys la rejoindre et lui parler, mais ses propos furent noyés dans le tumulte qu’était sa tête et elle se contenta de le regarder d’un air hagard, se demandant même s’il parlait la même langue qu’elle. Son cerveau ne sembla véritablement se rebrancher que lorsqu’il prononça le nom de sa mère, et cela la fit enfin réagir, la tirant de son immobilisme.
Au même moment, Jefferson s’approcha sur elle.

« Swan, attends ! »

Elle prit pour la première fois conscience du nouveau fossé qui les séparait du reste de l’école et suivit le chapelier vers une fenêtre à travers laquelle il tenta de se hisser pour atteindre celle du dessus.

« Swan ? Tu montes ? »

Comprenant rapidement son plan, elle hocha la tête, mais avant de pouvoir faire quoique ce soit, le plancher céda un peu plus, et elle vit un tableau se décrocher du mur pour glisser et disparaître dans les abîmes.
Elle se tourna vers Matthys, Wyatt et Neal – pas le temps de penser à ça, plus tard – et leur lança :

« Il faut que l’un de vous veille à ce que personne d’autre n’approche, le bâtiment va s’effondrer sous notre poids si ça continue ! »

Elle ne s’attarda pas pour voir si l’un deux appliquait sa consigne, elle fit un signe de tête à Jeff qui lui donna l’appui nécessaire pour qu’elle se faufile par la fenêtre et atteigne l’étage supérieur. Au premier coup d’œil, elle put voir qu’excepté un plancher bancal et plusieurs tables renversées, il semblait encore intact. Elle évalua rapidement les dégâts puis se penchant vers Jeff, elle lui tendit la main pour lui retourner la faveur.

« Je pense qu’on peut passer, donne-moi ta main », marmonna-t-elle entre ses dents.

Puis un nouvel ébranlement à l’étage inférieur la fit soudain prendre conscience d’une chose : si ça continuait, ils n’auraient probablement pas le loisir de faire descendre les enfants un à un par la fenêtre ; ils n’auraient alors pas d’autres choix que de passer par-dessus le nouveau gouffre. Celui-ci n’était heureusement pas aussi large que l’autre, et le sol semblait stable de l’autre côté – avec Wyatt et les autres, ils pourraient peut-être réceptionner les enfants mais ça restait dangereux et… Elle se mordit les lèvres férocement mais ne s’autorisa pas à penser à ce qui pouvait arriver. Elle n’avait pas le droit de paniquer. Chaque chose en son temps. Ils devaient d’abord rejoindre les enfants et Mary Margaret. Ensuite, ils aviseraient.

Jeff et Emma venaient à peine de rejoindre Mary Margaret et les enfants avec un soulagement évident en constatant que tous allaient bien, Paige et Henry inclus, quand une nouvelle secousse se fit sentir. Emma serra aussitôt son fils contre elle pour le protéger, mais celle-ci fut cependant très brève et lorsqu’elle s’arrêta, la shérif constata avec stupeur que l’école était soudain… stable. Le plancher n’était plus incliné, le sol ne menaçait plus de s’effondrer… plus rien ne bougeait. C’était presque comme si quelque chose s’était soudain interposé pour faire contrepoids. Quelque chose… ou quelqu’un. Emma avait l’intuition inexpliquée qu’il y avait de la magie dans l’air, même si elle n’avait rien vu qui puisse le laisser penser. Décidant cependant de ne pas s’attarder, elle résista à l’envie de prendre dans ses bras sa mère et son fils pour savourer la joie de les voir en vie : même si le danger semblait éloigné, plus vite ils partiraient d’ici, mieux ce serait.
Elle disparut rapidement s’assurer de quelque chose, et put constater que l’école stabilisée, le fossé qui la divisait en deux avait disparu. La fissure était encore parfaitement visible, mais excepté quelques trous là où le sol s’était effrité, les deux moitiés étaient à nouveau réunies et garantissaient un passage aisé. Bien. Inutile de tenter la chance plus longtemps. Emma remonta pour faire signe à Mary Margaret et les autres de la suivre, et prenant la main d’Henry dans la sienne, tous descendirent l’escalier aussi rapidement que possible. Ca et là, de la poussière tombait et quelques pans de murs continuaient à s’affaisser mais pour le reste, le sol semblait solide, et ils purent tous traverser le hall jusqu’à la sortie sans encombres. Mary Margaret les fit passer un à un en les comptant, et lorsqu’elle fut assurée que tous étaient bien présents et sains et saufs, ils purent franchir le pont en laissant derrière eux l’école. La bâtisse faisait peine à voir, mais malgré tout tenait encore bien debout alors qu’elle avait été sur le point de s’effondrer quelques minutes plus tôt. Rien de visible ne laissait supposer qu’il y avait quelque chose de changé qui avait pu leur sauver la vie, mais Emma avait vu, avait senti même, l’école menacer de s’écrouler au moindre pas : la chute qui semblait pourtant inéluctable n’avait pas pu être évitée ainsi. Quelque chose s’était produit.
Laissant Jeff et sa fille passer devant elle, ainsi que Matthys et Neal (surtout ne pas penser à lui, elle aurait le temps pour ça plus tard, pas maintenant), Emma fut la dernière à traverser, et lorsqu’elle posa enfin pied sur la terre ferme, son regard croisa celui de Gold qui était à présent en compagnie de… Belle. Un léger sourire se fraya sur ses lèvres lorsqu’elle reconstitua ce qui s’était très probablement passé, mais puisqu’elle n’avait aucune preuve et que dans tous les cas il avait clairement tenté d’être discret, elle fit mine de rien, et s’autorisa enfin à prendre dans ses bras Henry et sa mère tandis que les autres enfants en faisaient autant auprès de leurs parents qui avaient attendus, la mine inquiète, de les voir ressortir. Par-dessus l’épaule de Mary Margaret, elle adressa un signe du pouce à Matthys qui avait veillé à ce qu’aucun d’eux ne rentre, au risque de faire sombrer définitivement la bâtisse, et fit de son mieux pour ne pas croiser Neal du regard. Tant qu’elle ne le voyait pas, elle pouvait nier tout ce qui s’était passé. Elle savait qu’il lui faudrait faire face tôt ou tard mais… pas maintenant. Elle voulait simplement serrer Henry dans ses bras jusqu’à ce qu’il n’en puisse plus, ce qui ne semblait pas près d’arriver à en juger la façon dont il enserrait sa taille, sa joue appuyée contre son ventre. Elle passa une main dans ses cheveux en souriant, puis leva la tête à temps pour voir Jeff et Paige s’éloigner.
Elle mima un merci des lèvres, et peu à peu, la place se vida, parents et enfants rentrant chez eux savourer leur immense chance… s’ils avaient su à qui ils la devaient. Certainement pas à Emma en tout cas.

Elle se pencha pour embrasser Henry sur le front puis murmura d’un air fatigué à l’intention de Mary Margaret :

« Rentrons à la maison. »

L’enseignante acquiesça doucement. Il y avait encore beaucoup de choses à régler : il lui faudrait s’assurer de sécuriser toute la zone pour commencer, mais sa priorité pour le moment était de se poser. A présent que l’adrénaline quittait peu à peu son corps, elle avait l’impression que ses jambes pouvaient céder sous elle à tout moment, et n’aurait pas dit non à une chaise et un chocolat chaud. Un chocolat chaud en famille, décida-t-elle en marchant aux côtés de Mary Margaret sans lâcher la main d’Henry.

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